AFP
8 août 2008
Le crépuscule du jasmin de Grasse
AFP
8 août 2008
GRASSE (Alpes-Maritimes), 7 août 2008 (AFP) - Un lopin de terre cerné par un supermarché, une station-service et un fast-food, et l'odeur entêtante du jasmin: à l'entrée de Grasse, André Garnerone est l'un des derniers producteurs à récolter la délicate fleur blanche, chérie des parfumeurs.
Fleur de jasmin |
La journée a commencé tôt pour l'équipe de cueilleurs, à pied d’œuvre dans le champ dès 06h00 : « La fleur de jasmin est hyper fragile. Avec la chaleur, l'évaporation du parfum est terrible, il faut faire vite », explique André Garnerone en surveillant la récolte.
Idéalement, la cueillette se fait avant l'aube. Dans le champ du jovial agriculteur, elle se poursuivra jusqu'en fin de matinée, parfois au-delà, jusqu'à ce que tout pétale blanc ait disparu des plants.
« Demain, ce sera trop tard, ces fleurs auront flétri et d'autres les auront remplacées, qu'il faudra cueillir sans plus tarder », décrit-il.
Il en est ainsi durant 90 jours, de fin juillet jusqu'aux premiers frimas de novembre, lorsqu'il faudra butter les pieds de jasmin pour les protéger de l'hiver. Il en a toujours été ainsi chez les Garnerone où l'on est fils, petit-fils et arrière-petit-fils de producteur de jasmin.
« Ma famille a acheté la propriété en 1892. A l'époque, les champs de jasmin et de roses couvraient les alentours de Grasse à perte de vue », confie André.
Une zone commerciale vient aujourd'hui lécher ses parcelles qui ont une vue imprenable sur le supermarché et la station-service.
Jusqu'aux années 70, les champs de la famille Garnerone donnaient chaque année quelque 3,5 tonnes de fleurs. Actuellement, l'exploitation tourne autour de 800 à 1.000 kilos par an.
Des chiffres sensiblement comparables à ceux des autres producteurs grassois. André Garnerone énumère ses « collègues » sur les doigts d'une main : ils ne sont plus que cinq autour de lui, et produisent au total cinq tonnes de jasmin par an.S'y ajoutent les dix à onze tonnes produites annuellement par Mul Aromatiques, parfumeur de la ville voisine de Pégomas qui fournit en exclusivité, à partir de ses propres champs, la marque Chanel pour la composition du célèbre N°5.
L'ensemble reste bien modeste comparé aux 600 tonnes récoltées à Grasse dans les années 30.Bien sûr il y a la concurrence des fleurs d'Afrique du nord et d'Asie, où les grands noms de la parfumerie française achètent des brassées de jasmin à prix imbattable.
« Mais il y a quand même un marché pour le jasmin de Grasse, qui possède un parfum absolument unique. C'est comme le vin, une question de terroir », assure André Garnerone. Lui met plutôt l'épuisement de la production grassoise sur le compte des difficultés à trouver de la main d'oeuvre pour la récolte: des heures au soleil, le dos cassé en deux.
« Jusqu'aux années 80, c'étaient les Italiens qui venaient faire la cueillette. On allait les chercher à Vintimille et on les logeait pendant trois mois. Et puis, ils n'ont plus voulu venir. Les gens du voyage ont pris le relais mais c'est de plus en plus dur de les attirer ».
Le kilo de jasmin, payé environ 20 euros aux cueilleurs, est revendu 40 euros aux parfumeurs. La production est livrée dans la journée aux industriels de Grasse qui doivent aussitôt traiter ce fragile or blanc. André Garnerone est pessimiste sur l'avenir du jasmin de Grasse : « Deux producteurs ont une quarantaine d'années. Les autres, comme moi, ont au moins 60 ans. Dans dix ans, il n'y a plus de jasmin à Grasse ».
Par Sophie MAKRIS
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