Le denimier Atelier Tuffery double sa surface de production en Lozère

Auteur :

Matthieu Guinebault

Publié le
28 mars 2022

La marque tricolore de denim va porter à 2.000 mètres carrés sa surface de production d'ici à 2023, avec la construction de 1.000 mètres carré de locaux neufs, et l'acquisition de 600 mètres carrés voisins. Mais pas question d'accélérer la production immédiatement, pour l'entreprise de Florac (Lozère), dont les dirigeants entendent avant tout rester fidèles à leurs valeurs, comme ils l'indiquent à FashionNetwork.com.

"Notre ambition est évidemment à terme de pouvoir tripler nos effectifs", explique Julien Tuffery, arrière-petit-fils du fondateur, qui a repris l'entreprise il y a sept ans avec son épouse Myriam. "Mais il faut savoir rester humble: nous voulons le faire le plus vite possible, mais sans transgresser notre modèle de valeur. On aurait déjà pu multiplier par quatre ou cinq notre chiffre d'affaires si nous avions fait bosser des ateliers extérieurs, en leur mettant la pression du volume. Mais nous avons préféré un modèle de vente directe et de pleine marge."

Atelier Tuffery génère en effet ses 3,6 millions d'euros de chiffre d'affaires (contre 100.000 euros il y a cinq ans) exclusivement via une distribution en propre, effectuée à 80% grâce à son portail de vente. Sur ce dernier, il faut compter de 100 à 250 euros pour un jeans, ou encore de 75 euros la jupe à 320 euros la robe en passant par 140 euros la chemise et 500 euros le manteau de laine française. Des prix qui s'expliquent par les coûts de revient élevés, directement liés à une approche bien particulière de la production "made in France".

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Ainsi, sur les 26 collaborateurs, une quinzaine s'affaire dans l'atelier. A produire, mais aussi à se former à l'ensemble des étapes de production, faisant de chacun le porteur de l'intégralité des savoir-faire patrimoniaux de l'entreprise.

"L'antithèse de la logique économique", résume Julien Tuffery. "Mais on ne met pas quelqu'un derrière une machine à coudre en 2022 comme on le faisait dans les années 70", insiste-t-il. Il explique que cette polyvalence vient casser une logique de tâches répétitives qui, pour lui, a contribué à vider les usines textiles françaises.

Une logique d'atelier à taille humaine qui contraint naturellement les quantités produites, et conduit l'entreprise à décliner les nombreuses propositions de distribution qui lui parviennent. Mais une logique dont la stabilité économique permet aussi à Atelier Tuffery de pouvoir refuser les propositions d'investisseurs séduits par l'entreprise. Sans pression extérieure, Myriam et Julien Tuffery savent où ils veulent aller, et entendent s'y tenir dans la deuxième phase de transformation qu'ils entament aujourd'hui.

Après la phase de consolidation des savoir-faire et l'établissement de la marque, l'heure est venue de grossir. Avec comme priorité la formation et la création d'ateliers accueillants "à faire pâlir les open spaces de n'importe quelle start-up".

La revalorisation de la filière est également de rigueur, avec l'acquisition récente de Tissages d'Autan (Tarn), l'accompagnement du développement de la filière chanvre via la coopérative Virgocoop, la valorisation de la laine locale ainsi que du lin tricolore avec le filateur nordiste Safilin. L'élargissement de l'offre est également sur la table, avec de nombreux prototypes prometteurs qui n'attendent plus qu'un renforcement des capacités de production.

"Il faut une chaîne de valeur saine et de bon sens: les mains qui fabriquent doivent être les mains qui vendent, résume le dirigeant. La mode qui répondra aux enjeux de demain, c'est celle qui gagnera de la marge, et donc celle qui mettra le moins de distance entre confectionneur et client."

Une vente directe qui induit cependant de multiplier les casquettes, de façonnier à vendeur dans la boutique en passant par la case marketing pour générer les campagnes de référencement. "C'est génial, mais qu'est-ce que c'est dur", sourit Julien Tuffery, qui pointe que les compétences ont ainsi été fédérées en interne. "Une énorme richesse pour affronter les défis à venir".

Des défis, la filière en a connu ces deux dernières années. Atelier Tuffery indique avoir échappé pour l'heure aux problèmes d'approvisionnement, ses matières provenant notamment de Tissage Mouline Thillot, (Vosges) et Tissages d'Autan, et l'utilisation d'un coton quasi exclusivement européen (principalement grec). Pour le dirigeant d'Atelier Tuffery, les crises récentes agissent comme un nouveau révélateur de l'importance des circuits courts pour l'avenir de la filière mode.