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Véronique DOTRAUX
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16 déc. 2022
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Le groupe Lanvin fait son entrée à la Bourse de New York

Traduit par
Véronique DOTRAUX
Publié le
16 déc. 2022

"Portez une jolie tenue et l’on se souviendra de votre robe, portez une tenue chic et classe et l’on se souviendra de la femme," a déclaré la présidente de la Bourse de New York, Lynn Martin, tel un adage dont les cadres féminins se servent comme d’un mantra.


Lanvin - Printemps-Eté 2023 – Mode féminine - Paris - © PixelFormula


Ce qui était également une excellente façon de présenter Joann Cheng, présidente et directrice générale de Lanvin Group, au moment où le groupe de luxe basé à Shanghai se préparait à sonner l’ouverture de la Bourse de New York pour sa première introduction en Bourse.

Réputé pour sa capacité à habiller à la perfection un grand nombre d’hommes et de femmes, le groupe — qui, en plus de la maison française fondée par Jeanne Lanvin en 1889, comprend également Sergio Rossi, Wolford, St. John et Caruso — souhaite développer sa présence sur le marché du luxe.

En entrant en bourse en partenariat avec le groupe chinois d’investissement Primavera Capital (PCAC), la société franchit une nouvelle étape sur la voie de sa transformation en un grand groupe de luxe chinois qui ne cache oas son ambition de pouvoir se comparer à LVMH, Kering et Richemont.

Lynn Martin a présenté cette alliance commerciale devant une foule constituée majoritairement de cadres du groupe Lanvin, de groupes d’investissement et de membres de la presse, qui s’était réunie dans une salle de conférence majestueusement décorée juste avant d’assister au moment historique au sein de l’institution financière de New York.

Parmi les dirigeants du groupe Lanvin présents dans l’assistance figuraient: David Chan, président exécutif et codirecteur des opérations de Lanvin Group; Chris Tate, associé opérationnel de Lanvin Group; Siddhartha Shukla, directeur général adjoint de Lanvin; Silvia Azzali, directrice commerciale de Wolford; Paul Kotrba, directeur des opérations de Wolford; Riccardo Sciutto, président-directeur général de Sergio Rossi; Andy Lew, PDG mondial de St. John; Marco Angeloni, président-directeur général de Raffaele Caruso SpA; Sergio Rossi, directeur artistique de Evangelie Smyrniotaki; et Karla Welch, consultante artistique de St. John. Lynn Martin a présenté Joann Cheng et Max Chen, président et directeur général de PCAC, et associé de Primavera Capital.

Joann Cheng s’est ensuite adressée à la foule pour remercier la Bourse de New York et exprimer sa reconnaissance envers son équipe.

"Comme je l’ai dit à mes équipes, nous sommes jeunes — seulement cinq ans — et nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir, mais nous sommes fiers de dire que nous avons franchi ce cap important aujourd’hui. Je sais que ce n’est pas facile et que nous n’aurions pas pu en arriver là sans vous. Nous sommes en train de tourner une page et de commencer une nouvelle aventure pour devenir un fabuleux groupe de luxe international. Être une femme dirigeante n’est pas toujours facile, mais ça l’est bien plus quand la passion et l’amour viennent du cœur. Il y a vingt ans, lorsque j’étais comptable chez KPMG, mon mari m’a demandé quels étaient mes trois plus grands rêves. J’ai répondu que j’aimerais fouler un tapis rouge et introduire une entreprise en bourse. Aujourd’hui, ce sont deux rêves qui se réalisent grâce à l’aide et au soutien de toutes les personnes présentes ici."

Un tapis blanc, mais pas rouge, avait été déroulé pour l’occasion à l’entrée de la Bourse tandis qu’une grande bannière au nom de Lanvin était accrochée sur le côté du bâtiment historique ainsi qu’une plus petite en dessous portant l’inscription Heritage for Tomorrow et énumérant les différentes marques.

Bien que cette entrée en grande pompe soit habituelle dans l’industrie de la mode, entendre les gardes aux contrôles de sécurité faire leurs commentaires sur tout ce cérémonial n’est probablement pas la norme à la Bourse de New York. (En parlant de teinte pourpre, Joann arborait une tenue réalisée par Caruso dans une couleur rouge, qui représente la chance, la joie et le bonheur dans la culture chinoise).

Avant que la cloche ne retentisse dans la salle des marchés, les invités ont pu discuter autour d’un petit déjeuner. Avant le webinaire de questions-réponses Zoom prévu après l’inauguration, Cheng s’est entretenue en exclusivité avec FashionNetwork.com.


Lanvin - Printemps-Eté 2023 – Mode féminine - Paris - © PixelFormula


"Notre groupe n’a qu’une seule marque, St. John, qui est basée aux États-Unis. Mais si vous regardez le reste des marques, qui sont internationales, celles-ci ne représentent que 15% du marché américain et 10% du marché asiatique et chinois. Il existe donc un potentiel de croissance," a-t-elle expliqué.

Elle a révélé que les marques de luxe telles que Louis Vuitton et Dior représentent respectivement 25 et 20% de ces marchés. À l’occasion de la conférence de presse, elle a ajouté: "il y a donc une marge de 10 à 15% à atteindre dans le secteur; nous sommes à l’aise pour grandir."
 
Les chiffres révèlent les objectifs généraux de Cheng pour le groupe.

" Le marché est suffisamment grand pour que nous puissions nous développer plus rapidement. Il y a beaucoup d’opportunités à saisir, nous nous attachons dès lors à ce que nous devons faire pour stimuler la croissance, et les marques ont toutes des capitaux propres," a-t-elle déclaré. Selon elle, cette croissance s’explique par l’expansion de la vente au détail aux États-Unis, en Chine et dans certaines régions d’Europe, l’amélioration des canaux numériques et l’élargissement des catégories de produits.
 
"Ces deux dernières années, nous avons beaucoup investi pour jeter les bases d’une croissance solide pour l’avenir, en investissant notamment dans des gammes de produits comme chez Lanvin. Nous ne ciblons pas uniquement le prêt-à-porter, mais nous consacrons davantage de temps au développement de chaussures, d’articles en cuir et d’autres accessoires. Cela nous a également apporté de la rentabilité," a-t-elle poursuivi, faisant remarquer que le chiffre d’affaires de la marque Lanvin Group a progressé de 73% à 202 millions d’euros au premier semestre.

La marque phare Lanvin a enregistré une hausse de 117% de ses ventes mondiales, avec un bond de 260% du wholesale en octobre 2022.

Joann Cheng est également fière de vanter le marché mixte des cinq marques.

"Il existe une synergie unique au sein du groupe, chaque composant se renforçant mutuellement. Nous sommes relativement petits et les marques sont complémentaires plutôt que concurrentes, ce qui confère à chacune l'impression de faire partie d’une famille. Les autres ont déjà réalisé des chaussures (Rossi), des tricots (St. John) et des costumes (Caruso) pour Lanvin", a-t-elle précisé, laissant entendre que d'autres collaborations avec des marques, telles que Sergio Rossi X Wolford, sont à venir.

Le directeur général adjoint de Lanvin, Siddartha Shukla, qui supervise l'expansion mondiale de Lanvin, et plus particulièrement le développement commercial, la stratégie produit, l'excellence numérique et les initiatives de positionnement de la marque, a confirmé le succès de ces synergies.

"Caruso se charge de la confection sur-mesure pour Lanvin. Nous avons considérablement réintroduit le sur-mesure au cours des trois dernières saisons, c’est un élément essentiel d’un point de vue commercial. Il enregistre une croissance de 100% du simple fait que nous en ayant fait une priorité," a ajouté Siddartha Shukla. 

Interrogée quant à une éventuelle expansion, Joann Cheng a fini par indiquer, sans nommer de marque en particulier, que le groupe allait s’agrandir.

"La liste des marques que nous aimerions acquérir est longue, mais nous ne sommes pas pressés. Nous gérons cette activité comme une entreprise, nous ne sommes pas un fonds d’investissement privé ni une institution basée sur l’investissement," a-t-elle affirmé.

"Nous consacrons 80 à 90% de nos efforts aux opérations car j’estime qu'un investissement intelligent est une étape, mais la création de valeur provient des opérations de données. Nous ne sommes par conséquent pas pressés de faire des acquisitions parce que nous ne voulons pas faire disparaître l’opération de valeur des marques actuelles."

Elle a toutefois indiqué à quoi cela pourrait ressembler: "Nous voulons conserver la diversification (des marques). C’est l'une de nos stratégies d'investissement, du moins jusqu'à ce que nous en ayons peut-être plus de dix."

Vers 9h20, l'équipe de direction est descendue pour sonner la cloche d'ouverture, avec le marteau que Lynn a remis à Joann. Les invités en tenues élégantes ont été escortés jusqu'à un endroit de la salle des marchés situé juste en face du podium de la cloche afin d’acclamer le groupe Lanvin tandis que Joann Cheng faisait les honneurs de la séance lancée à 9h29:45.

Quelques minutes plus tard, elle a accompagné Lynn Martin pour faire sonner une autre cloche afin de signifier l'ouverture de la Bourse. Les actions et les bons de souscription de Lanvin Group Holdings Limited ("LGHL") sont cotés sous les sigles "LANV" et "LANVW," à un cours d’ouverture de 10,20 dollars (9,61 euros) par action. À la clôture de son premier jour de négociation, le cours était à 7,63 dollars (7,19 euros) avec une variation de -2,57 dollars (2,42 euros), soit -25.20%.  


Lanvin - Spring-Summer2023 - Womenswear - Paris - © PixelFormula


Lors de la conférence de presse qui a suivi l'inauguration, Joann Cheng a expliqué le rôle de PCAC pour aider Lanvin Group à créer "l'une des entreprises de mode de luxe les plus uniques au monde", selon ses propres termes.

"PCAC est une société mondiale de gestion alternative d'actifs gérant plus de 17 milliards de dollars (16,02 milliards d’euros) qui a des bureaux à Hong Kong, Pékin, Singapour et dans la Silicon Valley. Au cours de nos 12 années d'existence, l'une de nos principales stratégies d'investissement a consisté à établir des partenariats avec les plus grandes marques mondiales de produits de consommation afin d'accélérer la croissance en Asie. Grâce à notre expérience dans ce domaine, nous avons créé la société PCAC dans le but de nous concentrer sur un angle asiatique unique", a-t-elle déclaré.

La discussion a également conduit à l'ouverture complète de la Chine après les confinements continus qui ont duré plus de trois ans.

"Pour l'instant, l'objectif est de rester en sécurité et en bonne santé, et en tant que marques, nous essayons d’aider la région à se prendre en charge en toute sécurité afin qu'elle connaisse une transition sans heurts vers une ouverture complète. La population est impatiente de sortir, de voyager, de faire du shopping et de vivre des expériences," a indiqué Cheng, réaffirmant l’accent mis sur l’Asie.

Concernant la direction créative et la question de savoir si les plans de croissance prévoient des changements,  Cheng rappelle ses liens avec des entreprises individuelles. "Nous continuons à améliorer nos opérations, en investissant continuellement dans nos équipes de création et de design, une valeur fondamentale pour toutes les marques de luxe", a-t-elle avancé, en ajoutant "chaque marque a son ADN à suivre. Même si vous avez des grands noms aux postes de directeurs de la création ou de designers en chef, le plus important pour eux est de suivre l’ADN de la marque."

À titre d’exemple, elle mentionne comme ADN l’élégance parisienne de Lanvin et les tissus high-tech à l’effet de seconde peau de Wolford.

Riccardo Sciutto a d’ailleurs inscrit le retour à cet ADN central dans le rôle qui est le sien depuis qu’il est devenu PDG de Sergio Rossi en 2017.

"Lorsque j'ai débuté, il n'y avait pas d'archives. Aujourd'hui, j'ai personnellement accumulé plus de 7.000 paires de chaussures Sergio Rossi depuis la création de la marque il y a 71 ans", a-t-il déclaré. Et d’ajouter: "Il y a eu cette campagne ‘porno chic’ lorsque j'ai repris la marque, j'ai donc dû renoncer à cette audace en matière de design et présenter quelque chose d'intemporel et de raffiné en lien avec Sergio Rossi. C’est ainsi qu’est née la mule SR1, qui se vend aujourd’hui à plus d’exemplaires que lors de son lancement il y a cinq ans", a-t-il indiqué. Le PDG s’est montré particulièrement enthousiaste à l’idée d’une prochaine collaboration avec l’enseigne Area.

Joann Cheng s'est également réjouie du nouveau statut de la marque et de son objectif d'apporter un retour sur investissement à ses actionnaires d’ici cinq ans. "Nous avons mené à bien cette transaction en dépit de certains défis macroéconomiques, mais nous sommes fiers d'avoir levé plus de 150 millions de dollars (141,29 millions d’euros) de nouveaux capitaux, ce qui est suffisant pour exploiter les marques jusqu'à la rentabilité, avec le soutien continu de notre actionnaire majoritaire pour convertir notre dette, les prêts aux actionnaires, en capitaux propres afin de devenir une société sans dette. L'introduction en bourse n'est pas la finalité mais une étape importante. En nous concentrant sur les opérations quotidiennes, nous obtiendrons des résultats et aurons la confiance nécessaire pour assurer un avenir meilleur au groupe Lanvin", a conclu Cheng.
 

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