PARIS, 23 juin 2009 (AFP) - Pour la première fois, un musée parisien rend hommage à Madeleine Vionnet, l'une des plus grandes couturières du XXème siècle : en 130 modèles, les Arts Décoratifs montrent comment elle mit sa maîtrise de la coupe en biais et du drapé au service d'une conception exigeante de la couture.

Catalogue Madeleine Vionnet, puriste de la mode

Avec elle, "on n'est pas dans ce qui est joli, on est dans la beauté", résume Pamela Golbin, commissaire de l'exposition "Madeleine Vionnet, puriste de la mode", qui débute mercredi et se tiendra jusqu'au 31 janvier 2010.

"Ce qu'il faut, voyez-vous, c'est élever la couture à une sorte d'apostolat", disait Madeleine Vionnet. Femme discrète devenue une figure phare de la couture de l'entre-deux guerres, elle se définissait comme "une ennemie de la mode" et de ses "caprices saisonniers".

Madeleine Vionnet, née en 1876 dans un milieu modeste, doit quitter l'école à 12 ans pour apprendre la couture. A 18 ans, elle gagne la Grande-Bretagne pour apprendre l'anglais. Peu après, elle fait ses classes chez Kate Reily, maison de couture londonienne. De retour en France, elle poursuivra sa formation chez les soeurs Callot, puis Jean Doucet avant d'ouvrir sa maison en 1912.

L'exposition, mise en scène par la designer Andrée Putman, retrace sa carrière jusqu'à la fermeture définitive de la maison Vionnet en 1939. La couturière décèdera en 1975.

Outre les fragiles robes en tulle, crêpe de soie ou mousseline provenant d'un fonds de prototypes donnés par la couturière, l'exposition présente des documents audiovisuels, des toiles patrons et des albums de copyright dans lesquels elle archivait les photos de ses créations.

Photographie de dépôt de modèle, collection hiver 1938 - Les Arts Décoratifs, Union Française des Arts du Costume

On y retrouve toujours "trois formes archétypales: le carré, le rectangle et le cercle", explique la commissaire. "Tout son vocabulaire se base sur ces trois formes" qu'elle va travailler sans cesse, "toujours à la recherche de ce vêtement premier, le vêtement le plus simple, le plus noble".

Un mannequin en bois articulé d'une hauteur de 80 cm accueille le visiteur. C'était un outil indispensable à Madeleine Vionnet: elle créait ses robes en modèle réduit avant de les reproduire en grandeur nature.

De la veste en soie bleue à parement de cygne dessinée vers 1912 à la robe de mariée en crêpe de satin blanc de l'été 1939, les créations de la couturière témoignent de sa technique parfaite, de sa recherche constante d'une cohérence entre le corps et le vêtement, de son goût de l'épure.

Elle ne fut pas la première à utiliser le biais, mais la première à l'employer pour une robe entière, explique la commissaire. Une technique qui donne au vêtement son mouvement.

Les éléments décoratifs ne sont jamais superflus, ils participent à l'architecture et à l'équilibre du vêtement, comme ces nervures sur une robe en crêpe de soie verte, qui dessinent des carreaux, ou ces franges qui réunissent des volants.

L'exposition donne à voir une robe d'apparence toute simple, composée de quatre carrés assemblés selon une géométrie très précise, expliquée par une animation vidéo. Ailleurs, un schéma décompose la structure d'une robe en crêpe de soie safran formée d'une répétition de rectangles.

Robe du soir, hiver 1936 - Les Arts Décoratifs, Union Française des Arts du Costume © Patrick Gries

Outre des vitrines chronologiques, l'exposition explore plusieurs thèmes : franges, transparences, brillances, roses...

"Le vocabulaire qu'a choisi Madeleine Vionnet est indémodable", estime Pamela Golbin, "parce qu'il a comme base l'équilibre, la proportion, le mouvement et la vérité". Il inspirera des couturiers aussi différents que Cristobal Balenciaga, Azzedine Alaïa, Yohji Yamamoto.Par Dominique SCHROEDER