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11 sept. 2017
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Les portes de la mode s'ouvrent progressivement aux rondes

Publié le
11 sept. 2017

Le plus souvent ignorées du monde de la mode et des défilés, les femmes avec des formes poussent peu à peu les portes de quelques grandes maisons et font leur apparition sur les podiums, soutenues par l'avènement des réseaux sociaux. C'est par le biais d'Instagram qu'Iskra Lawrence, mannequin britannique de 26 ans qui affiche une taille 42-44, a accédé à la notoriété, devenant un modèle demandé.

Iskra Lawrence à la New York Fashion Week - Nicholas Hunt - AFP


Pour Lynne Webber, directrice opérationnelle de la marque Marina Rinaldi, qui propose des modèles "plus-size" (taille 40 et plus), les réseaux sociaux offrent « une voie de communication beaucoup plus démocratique et ont donné de la visibilité à plus de types de femmes ».

Au Royaume-Uni, quelque 57 % des femmes sont en surpoids et aux Etats-Unis, la proportion atteint 63 %, d'après les chiffres de l'Organisation mondiale de la santé. La taille moyenne d'une Américaine se situe entre 46 et 48. En France, selon une étude de l'Institut français du textile et de l'habillement (IFTH), ce sont près de 45 % des Françaises qui porteraient une taille 44 et plus.

Avec ses quatre millions d'abonnés sur Instagram, Iskra Lawrence est aujourd'hui l'égérie de la ligne américaine de lingerie Aerie, créée par la marque de prêt-à-porter American Eagle, et a défilé lors de la semaine de la mode de New York. Elle savoure ce succès, conquis de haute lutte. Elle se souvient notamment qu'il y a six ans, un agent londonien lui avait ri au nez en lui assurant qu'elle ne travaillerait jamais à New York.

Désormais reconnue, Iskra Lawrence entend utiliser sa célébrité pour lutter contre le diktat de la mode qui impose des standards inatteignables pour la plupart des femmes. Elle refuse ainsi désormais que ses photos pour des clients soient retouchées. Pour elle, le « concept même » est « une illusion », a-t-elle expliqué à l'AFP par téléphone avant de s'envoler pour une séance de prises de vues sur une plage d'Islande.

Les formes « ne sont pas des défauts », clame-t-elle. « Ce sont des parties de notre corps. Nous avons simplement été convaincus par la société et les médias que c'était un problème ».

Au moins 30 millions de personnes, de tous sexes et de tous âges, souffrent de troubles de l'alimentation aux Etats-Unis, selon l'Association nationale de l'anorexie et des maladies associées. « Chaque jour, je reçois ces messages sur les réseaux sociaux de filles qui me disent que je leur ai épargné des troubles de l'alimentation ou des pensées suicidaires », confie Iskra Lawrence.

Un chemin encore long

Aux Etats-Unis, Ashley Graham avec sa taille 48 est devenue, ces deux dernières années, quasiment l'égale des mannequins superstars telles Kendall Jenner ou Gigi Hadid. En février 2016, elle a été la première femme ronde à apparaître en Une du spécial maillots de bain du magazine américain Sports Illustrated, une institution.
En février 2017, le designer Michael Kors l'a faite défiler à New York, une apparition encore extrêmement rare pour un grand nom de la mode.

La modèle Ashley Graham défilant pour Michael Kors en février dernier - AFP


Autre signe d'une évolution, plusieurs grandes figures du show-business, les chanteuses Adèle ou Beyoncé ou les actrices Amy Schumer et Melissa McCarthy, voire la championne de tennis Serena Williams, portent fièrement leurs courbes.

Et la semaine dernière, les géants du luxe Kering et LVMH, représentant des grands noms comme Gucci, Saint Laurent, Vuitton et Dior, ont adopté une charte commune pour interdire le recours à des mannequins trop maigres.

Pour autant, les portes de la mode ne sont qu'entrouvertes. « Le chemin à parcourir est encore tellement long », estime Jaclyn Sarka, qui a cofondé en 2013 l'agence JAG Models, pour proposer un éventail de tailles plus large. « Beaucoup de gens ne veulent pas de "grosse" dans un défilé ».

Les plus grands noms de la Fashion Week de New York, de Tom Ford à Calvin Klein en passant par Alexander Wang, restent totalement hermétiques à cette évolution. « C'est triste de voir que les marques les plus prestigieuses ne veulent pas s'adresser à cette communauté », qui représente pourtant plus de la moitié des femmes, juge Lynne Webber de la marque Marina Rinaldi.

Pour Gary Darkin, l'autre cofondateur de l'agence JAG, la dernière frontière est aujourd'hui la haute couture, dont certains représentants ont déjà dit publiquement leur hostilité à une ouverture. « Mais il y a de l'espoir! », jure-t-il.

L'offre grandes tailles en essor sur le web et le mass-market

A en juger le développement d'offres grandes tailles chez les poids lourds du web et les enseignes de mode mass-market, l'espoir semble en effet de mise.

Dernièrement, c'est Showroom Privé qui a annoncé le lancement en octobre d'une capsule grandes tailles au sein de sa marque propre IRL. Une offre éphémère d'une cinquantaine de pièces qui pourrait, en cas de succès, être reconduite.

L'e-shop britannique Asos dispose lui depuis plusieurs années d'une offre destinée aux femmes enveloppées baptisée Asos Curve. Une offre que le spécialiste de la vente en ligne  ne cesse d'étoffer depuis, comme en témoigne  le déploiement récent d'Asos Plus, le pendant masculin d'Asos Curve.

Côté français, Gémo n'est pas en reste. Alors que l'enseigne aux 446 magasins commercialise depuis plusieurs années une collection grandes tailles pour les femmes, la marque du groupe Eram lance en cette rentrée 2017 une ligne de prêt-à-porter dédiée aux hommes forts. Une nouvelle offre composée d'une vingtaine de modèles, allant du 4XL au 6XL pour les tops, et du 52 au 62 au niveau des bas, qui va bénéficier d'un espace dédié au sein de ses boutiques.

A l'instar des pure-players de la mode, le mastodonte généraliste eBay entend lui aussi mieux organiser son offre mode dédiée aux personnes girondes en France. Si celle-ci a toujours existé sur le site, elle ne bénéficiait jusqu’alors d’aucune communication spécifique ni d’espace alloué. La plateforme de vente en ligne (et aux enchères) entend désormais l'afficher de manière plus visible à travers le lancement d'eBay Grandes Tailles, qui se concentre pour l'heure sur une offre vestimentaire féminine allant du 44 au 66.

Le massmarket ouvrira-t-il la voie à l'affirmation d'une mode plus ouverte aux femmes rondes et à leur représentation au sein de la fashion sphère, jusqu'au sein des grandes maisons de luxe ?

Par Jennie Matthew (AFP) et la rédaction FashionNetwork.com

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