
Matthieu Guinebault
5 juil. 2023
Lin: le réchauffement climatique pourrait réduire d’un tiers la récolte cette année

Matthieu Guinebault
5 juil. 2023
Alors que le mois de juin a battu des records de chaleur partout dans le monde, la filière européenne du lin lance l’alerte: les volumes de fibre longues de lin pourraient chuter en conséquence de 26 % à 36% en 2023. Et appelle à une réflexion sur l'adaptation de la filière au réchauffement climatique, et aux conséquences de celui-ci sur la commercialisation de la matière.

Le communiqué publié le 4 juillet par l’Alliance pour le lin et chanvre européens (ex-CELC) est inhabituel pour l’instance représentative, qui entend ainsi souligner l'importance de l’enjeu. Et ce alors que l’optimisme prévalait précédemment pour la récolte en cours. Le teillage (la fibre est extraite de la plante) de la saison précédente montrait un accroissement de 3,3% de la production en Europe, avec 125.264 tonnes sur la période allant de juillet 2022 à avril 2023 (dernières données disponibles à date). Pour la saison en cours, les surfaces agricoles dédiées au lin ont par ailleurs cru de 2% à 147.000 hectares (dont 80% en France).
Mais la succession de périodes sèches et de pluies intenses font que la filière s’attend au final à des rendements qui oscillent de 3,5 à 5,5 tonnes de paille (lin et tige) par hectare, là où il faut compter 6-7 tonnes sur une récolte normale. Cette récolte, qui sera teillée dès l’automne, pourrait amener à une contraction de la production au premier semestre 2024. Les collections du printemps-été 2024 seront donc alimentées par des assemblages de lots issus de différentes récoltes.
Mais se pose la question du devenir de la filière face au réchauffement climatique, qui va transformer la bande littorale allant de la Normandie aux Pays-Bas concentrant trois quarts de la production mondiale. Une solution est le “lin d’hiver”, qui est planté à l’automne et non au printemps. Pour l’heure, quelque 10.000 à 11.000 hectares lui sont dédiés, soit le double de l’an passé. “Pour 2024, la filière anticipe d’ores et déjà une hausse significative des surfaces de lin d’hiver en complément d’une hausse des surfaces de lin de printemps”, indique l’Alliance.
L’instance représentative indique par ailleurs que les quatre sélectionneurs de semences de printemps (deux français et deux néerlandais) “innovent pour proposer de nouvelles variétés plus résistantes aux enjeux climatiques”. L'institut de recherche Arvalis œuvre pour sa part depuis 2009, via le projet Breedflax, à adapter les cultures de lin au changement climatique, avec à moyen terme l’ambition d’améliorations génétiques de la plante.

Cette adaptation saisonnière et de semences en réponse à un mercure en hausse pourrait venir alimenter la tension sur les prix du lin, déjà “historiquement hauts et volatiles”, rappelle la filière. La production plus complexe de la fibre pourrait signifier une orientation plus marquée sur les marchés des textiles premium et haut de gamme.
Pour l’Alliance, ces spécificités de la filière du lin “nécessitent de poursuivre un rapprochement avec les marques pour assurer un dialogue entre un marché final et la filière pour mieux anticiper les besoins”. Il faudra désormais attendre septembre pour connaître le bilan chiffré de la récolte 2023, qui pourrait bien cristalliser les nombreux enjeux de filière.
Quelque 152.000 tonnes de fibres longues de lin, utilisées dans l'habillement, ont été produites en Europe en 2022, dont 125.000 tonnes en France. La filière européenne du lin regroupe 10.000 entreprises dans seize pays. Le lin représente 0,5% de l'ensemble des fibres produites mondialement.
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