London Fashion Week: JW Anderson, Roksanda et Molly Goddard ont défilé samedi
Sous le soleil de Londres, trois créateurs parmi les plus attendus du calendrier ont dévoilé samedi leurs visions antagonistes de la mode, avec deux points communs toutefois: des silhouettes originales et des matières brutes inattendues.
JW Anderson: atelier pâte à modeler à Chalk Farm
“Je ne savais pas qu’on fabriquait toujours de la pâte à modeler en Irlande“, souriait Jonathan, dont les invitations et les looks d’ouverture étaient confectionnés dans cette même matière.
L’invitation, une longue barre rectangulaire, n’était pas faite en chocolat mais en Play-Doh, tout comme plusieurs looks: des vêtements qui continueront à s’ajuster au corps longtemps après avoir été achetés.
Jonathan Anderson a choisi la Roundhouse, une salle de concert historique de Chalk Farm, pour présenter les créations en pâte à modeler celtique qui ont donné le coup d’envoi de la dernière collection remarquable de JW Anderson.
Originaire d’Irlande du Nord, le designer a utilisé de la pâte à modeler pour créer des prototypes traduits par des rendus contemporains en 3D. Les cinq premiers looks semblaient en effet confectionnés dans cette matière: des perfectos, des sweats à capuche et des shorts oversize qui épousaient le corps. Une nouvelle attitude et une rigidité obtenue grâce à une structure spongieuse.
Ses créations en maille “totale“, comme il aime les appeler, semblaient aussi venues d’une autre dimension: des robes estivales aux formes coniques architecturales, avec une structure en éponge tissée sur l’intérieur. Déclinées en rouge pompier et en bleu électrique, elles étaient portées avec des chaussures en crochet.
Autre idée de génie: les blouses de chirurgien raccourcies et matelassées en nylon, portées avec des pantalons assortis en turquoise clair, tabac et blanc nacré.
“J’ai eu envie de redéfinir un type de garde-robe. De me concentrer. De moins réfléchir aux silhouettes et d’imaginer du prêt-à-porter en pleine dérive contrôlée“, expliquait Jonathan Anderson, entouré d’une cinquantaine de journalistes brandissant leurs iPhone pour ne pas rater une syllabe de son allocution.
Une démarche parfaitement incarnée par ses élégantes robes drapées de déesses grecques en bleu céruléen et vert kaki, qui semblaient sur le point de se désintégrer sur le podium circulaire.
Mais JW Anderson ne serait pas JW Anderson sans une petite touche d’exagération, obtenue avec des bombers en nylon tellement oversize qu’ils en devenaient des robes et des sweats à capuche en coton prolongés de tentacules cristallins pour créer des robes.
“Une forme de naïveté, une utilisation des technologies qui se veut artistique et pas réaliste. Un nouveau type de modernité, basé sur l’expérimentation et la réduction“, ajoutait Jonathan Anderson, sur une bande-son étrangement conventionnelle.
Mélangeant “Skin and Bones“ de 070 Shake et Danielle (Smile on My Face) de Fred Again, elle représentait selon le designer la “musique que nous avons écouté en voiture tout l’été“.
Roksanda: une beauté brutaliste
L’excellent défilé de Roksanda était une performance de beauté puriste et de jeux de volumes. Il a eu lieu au Barbican, le monument néo-brutaliste le plus célèbre de Grande-Bretagne.
Le coup d’envoi du défilé était donné par une remarquable performance de la soprano Isabelle Peters, vêtue d’une superbe robe-cape plissée couleur lilas, tout à fait à sa place dans cette architecture utopiste.
En ce samedi ensoleillé, les mannequins ont défilé dans la cour en demi-lune du bâtiment, portant une merveilleuse série de robes et d’impressionnants manteaux de Roksanda.
Ajoutant à la majesté ambiante, plusieurs mannequins étaient coiffées de mitres religieuses coniques. Des prêtresses de la plus haute distinction.
Le look d’ouverture, un long manteau noir graphique, était suivi par des robes drapées ultra-raffinées et plus traditionnelles.
Roksanda n’a pas hésité à utiliser des coupes masculines emblématiques, comme les redingotes sans manches et les pardessus de style édouardien, côtoyant des robes ruchées et savamment froncées en soie plissée et froissée ou en jacquard texturé.
La créatrice a grandi dans les Balkans, une jeunesse qu’elle évoque dans un trio de looks inspirés des monastères de la zone et de leurs fresques, reproduites au fil d’or et au fil coupé sur des matières imprimées.
“C’est mon héritage personnel“, expliquait-elle après avoir reçu des applaudissements nourris et mérités, sacrant l’une des plus grandes artistes de la mode qui a eu l’élégance de partager son triomphe avec la soprano Isabelle Peters.
Molly Goddard fait parler sa Victorienne intérieure
Changement d’adresse et de style chez Molly Goddard, qui a délaissé les salles de sport qu’elle choisit habituellement pour ses défilés au profit d’une destination autrement plus prestigieuse: la maison d’enchères Christie’s, à Mayfair.

L’approche était plus habillée et plus chic que d’habitude, sans pour autant abandonner le sens de l’humour et la bonne humeur qui caractérisent Molly Goddard. Une collection printemps/été 2024 qui balayait toute une palette de styles historiquement britanniques, depuis la grandeur de la Régence jusqu’aux sous-vêtements des années 1950 en passant par les vêtements de nuit de l’époque victorienne.
Une bonne moitié des looks paraissait inversée, avec des doublures intérieures utilisées pour des robes longues, des toilettes dignes d’un bal des débutantes et des tutus de ballet.
Les pièces fortes de la collection, des jupes midi complétées par des froufrous volantés et un plissage horizontal à la taille, étaient portées avec des soutien-gorges passepoilés et des cardigans tout simples. Pour le soir, Molly s’est concentrée sur la structure intérieure, complétant le dos de plusieurs looks avec des doublures ouatées ou des ornements, ou même de rubans en gros-grain de coton. Charles Dickens à l’heure de la déconstruction.
“Cette saison, j’ai eu envie de tout retourner. Comme les finitions de pièces vintage faites à la main. J’aime utiliser des matières simples et leur donner une autre grandeur“, souriait Molly Goddard en coulisses.
Elle citait notamment l’exemple de robes de bal vintage qui semblent simples vues de l’extérieur, mais sont en réalité construites à partir de plusieurs épaisseurs de tulle superposées et différents systèmes de laçage sur l’intérieur, comme les robes de baptême victoriennes dans lesquelles il est parfois difficile de distinguer le bébé.
“Cette collection est étonnamment littérale“, concède-t-elle. Molly Goddard porte toujours des baskets et même ses derbies dorées étaient remaniées sous forme de tennis sportives ou de plateformes originales.
Mais pourquoi avoir choisi Christie’s pour ce défilé?
“C’est un espace merveilleux, chargé d’histoire. À chaque fois que je suis venue et que je les ai vus préparer la salle avant une exposition, j’ai vu des chefs d’œuvre disposés partout sur le sol et cela m’a impressionnée. Ce qui a une certaine relation avec le défilé“, s’exclame Molly Goddard, visiblement enceinte et rayonnante.
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