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16 oct. 2018
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Luxe et développement durable, un mariage complexe

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16 oct. 2018

Production, approvisionnement, conditions de travail, finance, communication… Il est loin le temps où la mode « verte » n'était surtout et avant tout qu'un argument marketing. Aujourd’hui, la notion de développement durable s’applique à tous les niveaux de la chaîne de valeur dans l’industrie de la mode et du luxe. Des progrès ont été accomplis, mais la route qui reste à parcourir est encore longue et semée d’embûches. C’est le constat dressé par les intervenants du Milan Fashion Global Summit 2018, qui s’est tenu ce mardi 16 octobre à Milan.


Le Milano Fashion Global Summit 2018 a dressé un état des lieux entre durabilité et mode - FashionNetwork.com ph Dominique Muret


« Si l’on veut continuer notre business, nous n’avons pas le choix. Il faut s’inscrire dans une stratégie durable sur tous les fronts, que ce soit au niveau de l’environnement ou du social. C’est pourquoi notre groupe s’est engagé sur ce terrain avec des objectifs précis sur le long terme », a exposé la directrice du développement durable de Kering, Marie-Claire Daveu. La société emmenée par François-Henri Pinault s’est engagée, entre autres, à réduire de 40 % son empreinte environnementale et de 50 % ses émissions de CO2 d’ici à 2025.

« Nous avons des responsabilités spécifiques. Nous atteindrons ces objectifs grâce aux mesures mises en place en termes d’approvisionnement et de processus de production. Mais cela ne suffira pas. Pour y arriver, il faudra aussi compter sur des innovations et technologies disruptives. C’est le défi », a souligné la manager.

Pour changer durablement le système, tous les acteurs de la filière ont un rôle à jouer, en particulier les fournisseurs et les producteurs, comme l’a rappelé le président de la Chambre de la  mode italienne (CNMI), Carlo Capasa. « L’Italie produit 41 % des biens de luxe en Europe, suivie par l’Allemagne avec 11 %, l’Espagne (10 %) et la France (8 %). De nombreuses marques étrangères viennent produire chez nous. Cela nous donne la responsabilité de le faire correctement. »

« Nous avons publié différents documents sur les substances chimiques à utiliser ou à éviter, mais aussi sur les processus de distribution. Nous sommes à l’avant-garde en la matière. Nous avons agi aussi sur le problème de l’emploi illégal dans la mode, qui exploite ouvriers et couturières. L’emploi illégal a été réduit de 16 %, mais il reste encore beaucoup à faire », a-t-il poursuivi. 

Pour Carlo Capasa, le problème principal est lié à la fast fashion, « qui pollue, ne respecte pas de bonnes conditions de travail et submerge les décharges avec ces produits qui s’usent tout de suite ».

« La filière italienne est certainement la plus vertueuse, a estimé Claudio Marenzi, PDG de la marque Herno et président de Confindustria moda, la confédération patronale de la branche mode. Mais le public ne le sait pas toujours. Cela concerne surtout les entreprises en amont. Or, la durabilité a un coût rarement pris en compte par les marques vis-à-vis des fournisseurs. Je pense qu’il faudrait reconnaître davantage cette valeur ajoutée aux produits semi-travaillés. »

« C’est facile de dire j’enlève toutes les substances chimiques nocives. Si l’on peut en supprimer beaucoup, ce n’est pas le cas pour toutes. Si nous n’utilisions pas le chrome, par exemple, tout le monde serait habillé en gris ! » a-t-il commenté, en illustrant la complexité d’une équation bien plus difficile à résoudre qu’il n’y paraît.

Si des progrès indéniables ont été accomplis concernant la prise de conscience des différents acteurs du secteur, il reste encore beaucoup à faire. Ainsi, le consultant stratégique Fashion & Luxury Michele Norsa n’a pas hésité à tancer investisseurs et consommateurs : « Les premiers sont plus intéressés aux bénéfices qu’à autre chose. Les deuxièmes constituent le fond du problème pour moi. Comment expliquez-vous que les consommateurs soient prêts à payer beaucoup plus cher une poire parce qu’elle est bio alors qu’ils se ruent sur les vêtements à bas coût ? Il est fondamental d’avoir un consommateur conscient, qui ait une idée des dommages que peut engendrer un choix plutôt qu’un autre ».

Une étude réalisée par PwC Italie sur les jeunes consommateurs, présentée à l’occasion du Milan Fashion Global Summit, semble contredire néanmoins ces propos. Près de 70 % des jeunes interrogés (nés entre 1980 et 2010) sont prêts à payer plus pour un produit à faible impact environnemental et social, quitte à acheter moins. « Les jeunes ont changé leur paradigme de choix, pas autant qu’en ce qui concerne l’alimentation, mais les mentalités bougent », note l’auteure du rapport, Erika Andreetta. Mais ces jeunes réclament des informations plus complètes, notamment sur les étiquettes. Aux entreprises donc de s’activer en ce sens.

En attendant, le développement durable commence à intéresser aussi la finance, comme l’illustre une recherche effectuée par Bank of America Merrill Lynch. De plus en plus d’investisseurs disent tenir compte du facteur ESG (environmental, social and governance) au sein d’une entreprise, à savoir le respect de l’environnement, la responsabilité sociale et un management éthique. Près de 18 % des conseillers financiers interrogés dans cette étude utilisent déjà ces critères dans leur appréciation et 43 % songent à les adopter. Parmi eux, surtout des femmes et des millennials, selon l'étude.

« De plus en plus de sociétés prennent compte des actifs immatériels dans leur valorisation, comme la valeur de la marque, la propriété intellectuelle, etc. Les paramètres d’évaluation non financiers comme celui de la durabilité sont en train de devenir toujours plus importants », conclut l’auteure du rapport, Jill Carey Hall.

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