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30 nov. 2018
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Luxe et mode : les critères responsables sont essentiels aux yeux des investisseurs

Publié le
30 nov. 2018

Alors qu’avant, le bilan comptable d’une entreprise était l’un des principaux outils pour comprendre sa valeur, aujourd’hui, le reporting extra-financier joue un rôle de plus en plus important pour juger de la bonne gestion et du potentiel de rendement d’une société. Et ce encore plus dans le secteur du luxe et de la mode, où l’image et la réputation ont un poids inestimable.


La boutique de Stefano Ricci à Cannes - stefanoricci.com


Dans un monde toujours plus compétitif et parallèlement de plus en plus sensible au développement durable, où Internet a complètement changé le rapport entre les marques et les consommateurs, l’approche responsable des entreprises de mode est en train de devenir un pilier fondamental de leur activité. D’autant que le système financier aussi est en train de vivre une évolution similaire, portant les investisseurs à accorder toujours plus d’importance aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

Le mouvement s’est accéléré, notamment en Europe, depuis la directive de l’Union européenne 95/2014 relative au rapportage extra-financier. Cette directive, qui a été transposée récemment dans divers pays européens, dont la France et l’Italie, prévoit notamment que les sociétés cotées de plus de 500 salariés formalisent désormais une « déclaration de performance extra-financière ».

Même si elle n'est pas cotée, la marque de menswear de luxe Stefano Ricci a bien compris, par exemple, la nécessité de communiquer sur l'ESG, décidant depuis quelques années de s’en remettre à la certification de l’agence de notation extra-financière Standard Ethics, basée à Londres, qui vise à promouvoir les principes standards de durabilité et de gouvernance sur la base des directives de l’Union européenne. L’objectif ? Consolider la réputation de la société.

Au-delà de la réputation, adopter ces critères ESG est important aussi et surtout pour attirer les investisseurs, notamment pour les petites et moyennes entreprises qui ont parfois du mal à obtenir des financements auprès des banques et préfèrent se tourner vers la Bourse. Selon une enquête qui vient d’être réalisée par la société de conseils italienne IR Top Consulting, les PME du luxe et de la mode sont les plus actives, après le secteur de l’industrie, sur le plan de la communication volontaire autour des thèmes ESG.

« En Italie, les PME sont tenues de communiquer sur ces thèmes uniquement sur une base volontaire et beaucoup ne pensent pas à le faire, même si elles adoptent déjà une démarche responsable. Or, les investisseurs sont très attentifs à ces thématiques. C’est un peu comme le plan industriel. Il n’est pas obligatoire, mais si l’entreprise en présente un, c’est mieux », nous explique Anna Lambiase, CEO d'IR Top Consulting.

« Il est vrai qu’adopter des principes durables peut générer des coûts supplémentaires. Mais la valeur ajoutée est importante, notamment aux yeux des investisseurs, et sur le long terme, cela permet à l’entreprise d’être plus performante. Nous accompagnons par exemple en ce moment une entreprise de fast-fashion italienne dans un processus de cotation. Elle est déjà très sensible aux thèmes ESG, en particulier en ce qui concerne l’attention portée à la qualité durable de son approvisionnement textile. Nous l'aidons à traduire cela à travers une communication plus ciblée. A partir de là, le projet peut s’amplifier en s’ouvrant à un autre public d’investisseurs », poursuit Anna Lambiase.


Kering a mis la parité et la diversité au centre de sa stratégie depuis 2010 - kering.com


Selon la Global Sustainable Investment Alliance (GSIA), les investissements ESG dans le monde ont bondi de 25 % entre 2014 et 2016, tandis que ces placements représentent 26 % des investissements mondiaux. Une étude récente de Morgan Stanley confirme cette montée en puissance : « Plus d’un quart des actifs mondiaux gérés par des professionnels relèvent d’investissements durables, à hauteur environ de 22 900 milliards de dollars, dont environ 12 000 milliards en Europe et 8 700 milliards aux Etats-Unis, le reste se partageant entre les autres régions ». Or, ce type d’investissement est récent, ce qui laisse présager une évolution encore plus marquée pour les années à venir.

Plusieurs raisons motivent ce choix. Parmi les plus importantes, la réputation de l’entreprise et la gestion du risque. Les réactions de l’opinion publique sont aujourd’hui si fortes et amplifiées par les réseaux sociaux que le moindre faux pas peut se révéler catastrophique, avec des ventes ou un titre boursier en chute libre.

Une gouvernance plus ouverte, paritaire et transparente peut réduire les risques. Tout comme une filière d’approvisionnement durable et mieux contrôlée peut éviter des catastrophes telles que le drame du Rana Plaza, au Bangladesh, effondrement en 2013 du bâtiment abritant les ateliers de confections textiles fournissant plusieurs marques de mode, qui avait provoqué la mort de plus de 1 000 personnes.

 « Les entreprises durables sont celles qui intègrent vraiment les valeurs ESG dans leur business. Et la gouvernance est au centre de tout. C’est un levier de croissance fondamental. Chez les entreprises les plus vertueuses, nous avons vu de fortes améliorations », indique Francesca Colombo, de la société de gestion d’actifs Etica SGR.

De grands groupes appliquent déjà ces principes, comme LVMH et Kering, qui se sont donné des objectifs ambitieux en termes de développement durable. Le groupe de François-Henri Pinault a lancé aussi dès 2010 le programme Leadership et Mixité, portant une attention particulière à la place des femmes dans l’entreprise. Il vient de recevoir à ce titre le prix du conseil d’administration le plus féminisé dans le cadre de l’Index Européen de la Diversité de Genre, publié par l’European Women on Boards (EWoB) et l’Ethics & Boards.

Aujourd’hui, les femmes représentent 56 % des managers du groupe, 33 % du comité exécutif et 64 % du conseil d’administration. « La parité entre enfin dans le concret. Avoir davantage de femmes dans un board est un grand pas en avant, même si les différences salariales persistent entre hommes et femmes. Reste qu’une équipe de direction hétérogène est plus efficace et interactive par rapport à une équipe homogène », estime Alida Carcano, de Valeur Asset Management.

Par ailleurs, selon l’enquête de Morgan Stanley, près de 77 % des investisseurs interrogés privilégient les investissements durables en raison de leur potentiel de rendement. « D’après une enquête que nous avons réalisée, les entreprises avec les notations ESG les plus élevées sont celles qui performent le mieux à long terme, parce que ces critères touchent aux fondamentaux de l’entreprise et de sa gestion. Résultat : les entreprises qui les adoptent améliorent systématiquement chiffre d’affaires, marges et dividendes », souligne Angelo Meda, de la société de gestion de fonds Banor.

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