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31 mars 2011
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Made in France: des positions diverses

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31 mars 2011

Déjà à l’ordre du jour l’an dernier avec notamment l’engagement très officiel d’Agnès b. dans la promotion d'une ligne baptisée "Fabriqué en France", le "Made in France" a été l’un des sujets centraux des discussions au salon Made in France d’Eurovet qui a fermé ses portes hier soir à la Bourse du Commerce.

Made in France
Le salon Made in France à la Bourse du Commerce (photo Pixel Formula)


De fait le sujet est au cœur de l’actualité politique française avec la proposition de résolution déposée par les députés Yves Jégo et Fabrice Martin-Lalande demandant une meilleure traçabilité des produits vendus en Europe. Le même Yves Jégo avait initié le mouvement l’an dernier avec son rapport sur le "made in" et sa proposition de création d’une marque France. Une association, Pro-France, en était née et pourrait lancer bientôt un label facultatif évidemment.
Reste que le véritable engagement pour la mise en place d’une étiquette "made in" dépend d’échanges au niveau européen qui sont aujourd’hui quelque peu en panne. Pour nombre d’observateurs, au delà des vœux pieux des uns et des autres et surtout des politiques dans cette période française préélectorale, la mise en place d’un "made in EU", avec l’accord de tous les pays membres, ne serait pas prête d’aboutir.

Un petit tour d’exposants du salon Made in France révèle d’ailleurs une diversité des points de vue chez les façonniers eux-mêmes. "L’idée d’un label est positive, dans l’air du temps. Cela rejoint l’aspiration actuelle des consommateurs", indique Marc Rousseau, gérant de l’entreprise berrichonne Confection Rousseau. "Mais le problème est que cela est tributaire des desideratas de nos voisins. Il serait intéressant de mettre en place un mode de fonctionnement non obligatoire qui servirait de conducteur aux professionnels français, et pourrait inspirer leurs voisins". 



Pour Damien Antoire, du fabricant d’accessoires D&d Paris, le retour de certaines productions vers l’Europe n’a pas attendu le lancement d’un label, explique-t-il. Cela ne se fait pas directement vers la France, mais dans des pays voisins qui viennent chercher ici nos produits de qualité. Les façonniers n’ont pas beaucoup cherché à se faire connaitre".

 Le savoir-faire, c’est la priorité, pour Karine Boutolleau, gérante du bureau d’étude couture Court Métrage. "Avec les licenciements successifs, on a perdu beaucoup de savoir rare", souligne celle-ci. "J’étais au départ pour l’idée d’un label, mais je m’interroge aujourd’hui sur sa nécessité. Les grands groupes n’en ont pas besoin, je ne suis pas persuadée que les indépendants y gagneraient. En revanche, si on laisse le savoir-faire nous échapper, ce sera difficile de s’en remettre". 

Conviction partagée par le façonnier choletais Avenir Couture. "Je trouve bizarre que l’on arrive à instaurer la traçabilité aux Etats-Unis et pas chez nous", déplore son PDG Jean Normand, pour qui il y a un autre problème, plus grave. "Le marché français est verrouillé. On a tellement soutenu certains acteurs qu’ils étouffent aujourd’hui le marché. Les clients et fournisseurs sont pour un label, mais les 2 ou 3 grands acteurs qui n’ont rien à y gagner n’en ont pas besoin. Alors aujourd’hui, l’espoir vient de l’étranger. Alors qu’elle était minime avant la crise, l’activité à l’international pèse aujourd’hui 35% de notre chiffre".

Le ministre de l’Industrie lui-même, Eric Besson, s’est voulu prudent en félicitant certes Yves Jégo et Fabrice Martin-Lalande de leurs initiatives. Mais il a aussi souligné que la valorisation du Fabriqué en France sera examinée dans le cadre du comité stratégique de filière des industries de la mode et du luxe, et du comité stratégique de filière des industries des biens de consommation, en relevant que nombre d'entreprises de luxe n'y sont pas forcément favorables. Eric Besson s’est engagé aussi sur l’éventuelle création d’une indication géographique protégée au niveau communautaire, à discuter avec les professionnels. De quoi donc faire avancer le dossier lentement.
Made in France
40% des collections Agnès b. sont griffées "Fabriqué en France" (modèle A/H 2011-2012, photo Pixel Formula)



En attendant, il y a toujours l’exemple d’Agnès b. La styliste, comme elle s’y était engagée au Made in France 2010, a lancé son étiquette Fabriqué en France. Selon la société de création, celle-ci griffe 40% des collections. Agnès b. souligne d’ailleurs que cette part devrait augmenter pourvu que les produits correspondent aux critères requis, c’est-à-dire que 50% au moins de la valeur ajoutée du produit est acquise en France et que le lieu où le produit prend ses caractéristiques essentielles est situé en France. A ce titre, la styliste se dit favorable au label Made in France. Une attitude loin sans doute des Made in Prada ou Made in Saint-Laurent que promotionnent au premier chef les grands du luxe.

Jean-Paul Leroy et Matthieu Guinnebault (avec Anaïs Le Révérend)

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