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Marguerite Capelle
Publié le
6 juil. 2021
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Maison Alaïa: Pieter Mulier fait des débuts pleins de panache et de punch

Traduit par
Marguerite Capelle
Publié le
6 juil. 2021

Il a toujours été clair qu'il serait difficile de prendre la suite d'Azzedine Alaïa. Mais Pieter Mulier a dévoilé une première collection marquante et sculpturale, devant le siège historique de la maison où un public trié sur le volet l’encourageait, installé dans la rue sur des chaises pliantes en bois: des créations qui lui ont valu une standing ovation bien méritée.


Maison Alaïa - Photo: FashionNetwork.com


Pieter Mulier témoigne le plus grand respect à l’ADN de la griffe dans toute cette collection, mais sans jamais faire preuve de servilité. Il joue avec de nombreuses références Alaïa: le crêpe stretch, le cuir perforé, les robes du soir sculpturales, les leggings Amazonie ou les fourreaux façon stores vénitiens, mais en les réinterprétant à sa manière.

Ses robes cocktail étirées comme des justaucorps et parachevée par des calottes assorties étaient toutes assez sensationnelles … tandis que ses robes flamenco en laine stretch, terminées par des plumes sous les genoux, brillaient par leur splendeur.

Alaïa n’a jamais créé pour les saintes nitouches ni pour les plantes élevées sous serre, et Pieter Mulier non plus. Dans la continuité d'Azzedine, le créateur fait défiler ses tops comme des héroïnes puissantes. En commençant par un quatuor de beautés qui ont fait fondre le bitume en fourreau semi-transparent, telle une caresse sur le corps, pour enchaîner sur des gilets savamment construits et terminés par des capuchons, façon Grace Jones, ou encore une combinaison en denim à col châle, assez osée, et de superbes manteaux à plumes de déesses du cinéma.

Pieter Mulier agrémente également le tout de quelques accessoires formidables: des sacs fourre-tout géants en cuir brut, avec finitions en cuir tressé, ou encore des sacs bandoulières en demi-lune, très cools.


Maison Alaïa - Photo: FashionNetwork.com


 S’il était connu pour son amitié avec les tops models les plus célèbres, comme Yasmin Le Bon, Linda Evangelista ou Naomi Campbell, toutes présentes pour inaugurer son ultime show, à la fin de sa carrière Azzedine Alaïa faisait surtout défiler des mannequins locaux inconnus, ou bien des femmes de caractère qu’il admirait.

Pieter Mulier, en revanche, a eu recours à un casting trié sur le volet, sans regarder à la dépense: Mica Argañaraz, Rianne Von Rompaey ou encore Liya Kebede et Natasha Poly étaient de la partie. Il est clair que le groupe de luxe Richemont qui possède la maison, ainsi que sa PDG, l’élégante Myriam Serrano avec son calme olympien, ont le budget nécessaire pour concrétiser la vision du créateur.

Choix assez excentrique, les tops commençaient par longer un trottoir bordé de chaînes sur une cinquantaine de mètres, avant de pénétrer sur le podium de cent mètres de long installé rue de Moussy, dans le cœur du Marais.

Autre défaut, l’éclairage assez agaçant, qui obligeait la plupart des spectateurs à découvrir les mannequins à contre-jour… pas très malin, à l’époque d’Instagram. Curieusement, le meilleur régisseur lumière de la mode française, Thierry Dreyfus, était assis au premier rang, même s’il assistait au défilé en tant que fan, et non comme producteur. Son talent manquait à ce défilé.



Maison Alaïa - Photo: FashionNetwork.com


 
Mais ce ne sont là que des critiques mineures à propos d’une démonstration extrêmement maîtrisée de la part de Pieter Mulier. Ce défilé marquait les débuts historiques du créateur d’origine belge en tant que directeur artistique à part entière. Au cours de sa remarquable carrière, il a été le bras droit de Raf Simons à Milan, Paris et New York – chez Jil Sander, Christian Dior et Calvin Klein.

Tout n’était pas tout à fait abouti – par exemple les robes du soir en crêpe à froufrous, couleur aubergine, étaient un peu trop cucul, tout comme les cyclistes stretch associés à des tops métalliques, ou les sabots à talons cloutés.

Mais la question tabou, avant même l’apparition des mannequins, était de savoir si Pieter Mulier serait à la hauteur de sa place de numéro un. D’après ce qu’on a pu voir, il devrait très bien réussir dans cette maison, tout en respectant pleinement l’œuvre du fondateur.
 

Maison Alaïa - Photo: FashionNetwork.com


Avant le défilé, Pieter Mulier avait déposé une lettre sur le siège de chaque invité, dans laquelle il chante les louanges d’Azzedine: "[...] pour ta façon incomparable d’aduler la silhouette féminine. Tu étais un sculpteur, un génie de la main. Ta mode avait du cœur et une intelligence rare: le mariage de la précision, de la modernité et de la poésie".

Interrogé sur son ressenti après ces débuts, le créateur a répondu: "Je me sens heureux et soulagé. Et ravi que tout le monde ait vu la lettre. Je voulais mettre en avant le respect fondamental que j’éprouve pour cette maison unique, et son créateur unique".

Lors du final, Pieter Mulier a récolté un tonnerre d’applaudissements, de la part d'un premier rang où figuraient nombres de vieux amis de la maison – du monstre sacré de l’architecture Jean Nouvel à Sidney Toledano, de LVMH, ou Pier Paolo Piccioli, de Valentino.

"Magnifique ! Je crois qu’Azzedine aurait beaucoup aimé cette collection. Et moi aussi, car je sais qu’avec Pieter à la création, la maison Alaïa a un brillant avenir", s’enthousiasmait Christoph Von Weyhe, partenaire de longue date de la griffe.

Ce dernier a révélé à FashionNetwork.com que le créateur l’avait invité à venir jeter un coup d’œil à la collection en cours de création. Mais il s'y est refusé. "J’ai dit à Peter que je préférais attendre pour découvrir le résultat final. Et je suis ravi d’avoir attendu", souligne-t-il avec un clin d’œil.
 
 
 

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