Mode à Milan: un style raffiné à fort taux d'émotion

MILAN, 25 fév 2012 (AFP) - En cette quatrième journée des défilés milanais, les couturiers ont rivalisé en talent et créativité, sublimant la femme dans un crescendo d'émotions avec des collections sophistiquées d'une grande élégance.

Pour son dernier défilé chez Jil Sander, Raf Simons est parvenu à arrêter le temps, dans cette frénétique fashion week milanaise, en offrant une inoubliable seconde d'éternité au public. Se déplaçant au ralenti comme dans un rêve, dans un décor blanc disséminé de gros bouquets enfermés dans des écrins en verre, les mannequins semblent flotter dans un monde irréel aux tonalités tendres (rose pâle, glace).

Jil Sander par Raf Simons: une forme de New Look réinventé (photo Pixel Formula)

Revêtues d'amples manteaux double face (rose dragée/blanc ivoire, rose/café, rose/jaune, noir/bleu) aux épaules tombantes sans boutons ni coutures apparentes, ces silhouettes éthérées se déplacent avec grâce et douceur.

Elles endossent des robes combinaisons aux matières impalpables et mélangées, dans des couleurs chair, des jupes sculptées s'évasant dans de savants drapés, de somptueuses robes 1950 proposées aussi dans une version en vinyle noir. Quelques pièces rouge vif ponctuent cette collection, qui a valu une standing-ovation au styliste belge, auquel succédera la saison prochaine la créatrice-fondatrice de la griffe, Jil Sander.

Grands frissons aussi chez Bottega Veneta. Cheveux retenus en chignon, lèvres peintes en noir, la femme fatale imaginée par Tomas Maier apparaît soudain dans la lumière sur les notes intenses de West Side Story. Chaussant bottes de cavalier et gants mousquetaire, elle fend l'espace avec une élégance innée vêtue d'un manteau adhérent en laine sombre ou d'une robe en velours à petit col et manches courtes.

Sophistiquée à la manière des héroïnes hitchcockiennes, en chaussures Mary-Jane à talons aiguille avec des chaussettes hautes, elle revêt d'impeccables tailleurs en crêpes ou laine compacte avec vestes cintrées soulignant sa taille fine et jupes droites descendant sous le genou, qu'elle alterne avec des pantalons serrés et courts.

Ses mises en tissus sobres aux coupes rigoureuses et à la palette nocturne sont illuminées par des bijoux protagonistes: broche en cristal de roche, collier à triple rangée de perles d'argent. Pour le soir, elle se glisse dans d'éblouissantes robes fourreau en velours dense à traîne.

Séquence émotion encore chez Antonio Marras, lorsque la voix chaude et sensuelle de Milly, l'Edith Piaf milanaise, résonne dans une semi obscurité accompagnant le dernier passage des mannequins. S'inspirant de cette chanteuse-actrice très populaire dans l'Italie de l'après-guerre, le styliste sarde construit une collection riche et élégante avec des manteaux trois-quarts patchwork en fourrure, brocart et tissus damassés, des vestes à col important, des habits décorés de passementerie et de morceaux de tweeds masculins. Sans oublier les cols amovibles en tapisserie posés systématiquement sur robes et chemises.

"Cette garde-robe retrace la vie de Milly, rassemblant tous les souvenirs ramenés de ses tournées, paillettes, bouts de rideaux de théâtres, tissus provenant des costumes de ses amants", résume le styliste.

Pour sa deuxième ligne Emporio, Giorgio Armani propose un style plus jeune et léger avec des pièces interchangeables et faciles à porter. Il part de trois éléments de base -des chaussures plates, des collants en laine et des bermudas d'hiver se boutonnant au-dessus du genou -, qu'il combine avec des robes corolles, des vestes masculines, des blousons à franges, des tuniques à volants, le béret basque donnant un côté désinvolte à l'ensemble.

Le velours est omniprésent. Tout comme l'élément décoratif de la rose en taffetas ronde, brodée sur les chemisiers et des robes en voile, appliquée en format géant tel un plastron sur un buste, piquée sur une veste comme un macaron ou portée en bibi sur la tête.
Par Dominique MURET