
Dominique Muret
13 juil. 2023
Moyen-Orient, un marché toujours plus porteur pour le luxe

Dominique Muret
13 juil. 2023
Conditionnée par les tensions géopolitiques, la géographie du luxe a fortement évolué ces deux dernières années, propulsant de nouveaux territoires de conquête sur le devant de la scène. A l’instar du Moyen-Orient, dont le potentiel de croissance aiguise les appétits des maisons de luxe. Le poids de ce marché, estimé à près de 15 milliards d’euros en 2023, devrait doubler d’ici à 2030, passant à 30-35 milliards d’euros avec, en guise de locomotive, les Emirats arabes unis et surtout l’Arabie saoudite, selon une enquête publiée par le Boston Consulting Group (BCG) en partenariat avec l’association italienne des entreprises de luxe Altagamma.

D'autres chiffres confirment le phénomène. Le consensus d’Altagamma publié récemment, synthétisant l’avis d'une vingtaine d'analystes, a revu par exemple ses prévisions à la hausse, avec une croissance attendue des ventes de biens de luxe au Moyen-Orient cette année de 10%, et non plus de 7%.
De même, dans son dernier rapport sur le secteur, McKinsey & Company estime que cette région constitue, avec l'Amérique du Nord, le marché à plus fort potentiel de croissance en 2023. Cette zone géographique a notamment bénéficié ces deux dernières années de la fermeture de la Chine en raison des strictes mesures anti-Covid. Elle a également accueilli de nombreux Russes fortunés, touchés par les sanctions européennes et américaines dans le cadre de la guerre en Ukraine, voyant ainsi bondir ses ventes de luxe.
"Le Moyen-Orient est l’une des nouvelles frontières du luxe. En particulier l’Arabie saoudite, qui jusqu’ici a très peu développé d’espaces commerciaux dédiés au haut de gamme. C’est l’une des rares places au monde à être pratiquement vierge en la matière. Si bien que les achats de luxe estimés dans notre étude se feront dans des lieux qui n’existent pas aujourd’hui", indique Filippo Bianchi, directeur et partenaire de BCG.
Si l’Arabie saoudite ne brille pas pour sa politique en matière de droits de l’Homme et de libertés individuelles, elle s’est attachée depuis quelques années à redorer son image en se modernisant via une certaine libéralisation de la société. Elle vise à diversifier ses ressources, centrées jusqu’ici autour du pétrole, à travers l’essor d’un tourisme de luxe. "La valeur de ce pays en termes de ventes de luxe est d’environ 3 milliards d'euros, qui devraient atteindre les 6 milliards d'euros d'ici à 2030 avec un taux de croissance annuel de 10 à 12%, tandis que les dépenses haut de gamme des Saoudiens chez eux et dans le monde devraient passer de 6 milliards à 12 milliards d’euros sur la même période", poursuit-il.
De grands projets commerciaux en Arabie Saoudite
Alors que le Qatar et les Emirats arabes unis se sont dotés d’innombrables boutiques de luxe, ce n’est pas le cas de l’Arabie saoudite, qui amorce à peine ce virage et prévoit un plan de développement extrêmement ambitieux dans ce domaine à travers le projet "Vision 2030" promu depuis 2016 par le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS) et dont le tourisme est l’un des piliers. A la clé, des investissements massifs dépassant le milliard d’euros. Le royaume tablant sur quelque 30 millions de visiteurs étrangers à l'horizon 2030.

Comme le rappelle BCG, pas moins de huit projets avec des structures et centres commerciaux aux dimensions gigantesques sont programmés, qui devraient permettre de ramener dans le pays une partie des dépenses haut de gamme réalisées aujourd’hui par les Saoudiens à l’étranger. La capitale, Riyad, concentre à elle seule près de 500.000 mètres carrés consacrés au luxe à travers trois futurs malls immenses, selon l’étude.
Cette relocalisation devrait surfer aussi sur la montée en puissance des jeunes de moins de 30 ans qui représentent plus de 60% de la population. "Jeunes, riches, toujours plus sophistiqués et digitalisés, 53% des consommateurs saoudiens réalisent leurs achats en ligne", note la recherche. A ces acheteurs locaux s’ajoute le flot incessant de pèlerins qui effectuent le hajj à la Mecque. Sans oublier les dépenses en luxe générées pendant le ramadan.
Autant dire un marché juteux pour les maisons de luxe occidentales. En quête de nouveaux débouchés afin de réduire leur exposition dans certains pays telle la Chine, elles sont nombreuses à s’activer pour placer leurs pions dans la région. A l’instar du français Kering, qui a créé une filiale dédiée en Arabie saoudite ou du groupe suisse Richemont, qui a signé un accord pour s’implanter dans l'aéroport King Abdulaziz de Djeddah, la deuxième ville du pays, selon les révélations du site Glitz Paris. En mai dernier, l’horloger new-yorkais Jacob & Co a ouvert à Riyad son plus grand magasin au monde.
La plupart des maisons souhaitant s’implanter sur place s’associent au groupe Chalhoub, incontournable distributeur de marques de luxe au Moyen-Orient. Mais de nouveaux acteurs se font jour. Par rapport aux autres pays de la région, l’Arabie saoudite nécessite une stratégie spécifique et adaptée. "Il faut trouver le bon partenaire en fonction du format choisi, franchise, joint-venture, etc., adapter son offre aux préférences et à la culture locales, tout en augmentant sa présence retail en misant sur les nouveaux projets immobiliers", suggèrent les auteurs de la recherche.
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