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Traduit par
Anne SCHILLING
Publié le
13 sept. 2023
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New York Fashion Week : 3.1 Phillip Lim, Area, Jason Wu, Ulla Johnson, et Studio 189

Traduit par
Anne SCHILLING
Publié le
13 sept. 2023

Bravo aux créateurs new-yorkais, qui ont renoncé aux lieux d'exposition formatés des Spring Studios, au profit d'un espace plus personnalisé, même si se rendre sur place est un véritable cauchemar logistique et peut impliquer de rater un autre défilé. La pluie matinale, résidu de l'ouragan Lee, n'a pas aidé, mais cette sortie dominicale en valait largement la peine.

Phillip Lim


L'un des défilés les plus attendus était celui de Phillip Lim, qui faisait son grand retour sur les podiums après quatre ans d'absence. Présenté à Chinatown dans un vaste espace surplombant le pont de Manhattan, la collection de Phillip Lim a enchanté le public avec ses modèles pleins de charme, d'une grande féminité et souvent hybrides, inspirés de la garde-robe de la femme moderne.

3.1 Phillip Lim - Printemps-été2024 - Mode femme - États-Unis - New York - © Launchmetrics


Le créateur a toujours su concevoir une garde-robe à la fois féminine et décontractée, et le printemps 2024 a renforcé cette tendance, prouvant que des vêtements intéressants peuvent également adhérer à des principes de conception classiques, ce dont les créateurs plus jeunes et plus excentriques de New York devraient prendre bonne note. En coulisses, le créateur a en outre expliqué à FashionNetwork.com que la collection se voulait un hommage à la ville de New York.
 
"Il m'a semblé que le moment était venu de célébrer à nouveau New York. Je déteste utiliser ce terme, car New York n'a jamais disparu. New York sera toujours New York. Nous faisons partie de New York ; nous sommes nés et avons grandi ici, où nous avons appris beaucoup", a continué le créateur, faisant sans nul doute référence à son entreprise et à sa partenaire Wen Zhou.

D'après les notes de présentation, le début du défilé se voulait "un hommage à l'optimisme de façade : vulnérabilité, espoir et couches superficielles sans limites, tant dans les vêtements que dans l'état d'esprit", à travers une collection de vêtements transparents fluides et superposés, associés à des pièces ornées de pierres précieuses. Un véritable coup de cœur pour les amateurs de bijoux. Ces silhouettes, d'un style très gracieux, étaient présentées dans les tons crème et noir, cette dernière étant la couleur préférée des New-Yorkais. Phillip Lim a également rendu hommage aux immigrés qui se sont installés dans la région en s'inspirant des pantoufles chinoises largement portées et en revisitant les sacs en plastique à l'effigie de la ville, désormais interdits, sous forme de tote bags en vinyle sur lesquels on pouvait lire "New York".

La collection comprend des modèles percutants à imprimé foulard, des pièces hybrides fonctionnelles de couleur kaki, un retour aux pantalons Capri dans une version en maille, des robes florales gracieuses et des tops bouffants qui ressemblaient à la fois à une chemise et à une veste en cuir et en nylon, dont le volume était créé par un savant jeu de ficelles, véritable signature des créateurs.
 
New York mise sur la diversité jusque sur les podiums, même si l'âge n'est pas l'un des thèmes abordés habituellement. Il en va tout autrement pour Phillip Lim, dont la collection comprenait un grand nombre de mannequins de plus de 50 ans. À l'issue du défilé, le créateur a expliqué le choix de son casting.

"Notre public a toujours été multigénérationnel. Pour mon retour, il serait maladroit de ma part de ne pas le montrer. Ce que vous avez vu sur le podium, c'est de la sororité, une célébration de la figure féminine à travers tous les âges, qui met à profit le pouvoir des vêtements pour donner de la force à ses semblables. Dans les coulisses, c'était très beau à voir, je ne trouve pas les mots pour exprimer toute cette puissance", a-t-il déclaré.
 

Area


À l'occasion de leur défilé pour Area, Piotrek Panszczyk et Beckett Fogg se sont en quelque sorte tournés vers l'ancienne génération, qui considérait la fourrure comme le luxe suprême, et ont imaginé quelle pouvait en être l'interprétation de la jeune génération.

Area Printemps-été 2024 - Area


Le défilé était riche en démesure et en curiosités, avec toutefois une touche plus commerciale que les saisons précédentes, ce qui peut devenir très intéressant si l'on parvient à associer ces tendances. En coulisses, Piotrek Panszczyk a présenté la collection.

"Tout est question d'interprétation. Nous avons revisité certaines inspirations clés très glamour, comme la fourrure, et nous avons réfléchi à ce qui nous plaisait, ce qui constitue le cœur de l'ouvrage : quel effet cela a-t-il sur soi ? Nous avons modifié cette idée en substance et l'avons transformée en vêtement qui peut convenir à un nouveau client", a expliqué le créateur.
 
À cette fin, Panszczyk et Fogg ont débuté le défilé avec des jeans imprimés en bleu et en beige, ce coloris faisant penser à de la fourrure de renard, avant de se poursuivre avec des manteaux de style opéra en jacquards imprimés légers (un tissu qui a nécessité six mois de travail pour obtenir ses touches picturales qui, selon lui, "étaient plus fluides et moins structurées que les saisons précédentes, le tout dans un style évoquant d'ailleurs davantage la couturière Madeleine Vionnet que la marque Area").
 
D'autres touches de glamour, comme les têtes de renard très tendance sur les étoles, ont évolué pour céder la place à une série de modèles agrémentés de perles, le motif apparaissant sur la traîne d'une robe ou le corsage d'un top. Une main de squelette agressive et tranchante, avec ses "os" ornés de pierres précieuses, apportait une touche originale à la tenue Area. Il s'agissait également là d'un message subversif de la Peta (association de défense des animaux, ndlr), bien que le défilé trouve ses racines dans les vêtements portés par les hommes des cavernes.
 
"D'une certaine manière, c'est bien de cela dont il était question, mais il y a aussi une forme d'ambiguïté. J'ai grandi en Pologne. Les vêtements en fourrure étaient une nécessité parce qu'il faisait froid, mais il y avait aussi toute une symbolique, parce que lorsque vous arrivez à un certain stade de la vie, vous pouvez vous offrir ce luxe. Si l'on observe les gens de la classe ouvrière des années 70 et 80 (période à laquelle l'association Peta a vu le jour), lorsqu'ils sont, pour certains, parvenus à un niveau de vie qui leur permettait de s'offrir de la fourrure, on considérait cela comme un impair", a-t-il expliqué, ajoutant : "Le cycle de la mode est une sorte de serpent qui se mord la queue. Lorsque vous pensez avoir réussi, vous vous apercevez finalement que ce n'est pas le cas".

Jason Wu


La collection printemps-été "Solstice", de Jason Wu, est l'une des plus puissantes et des plus belles qu'il ait présentées jusqu'à présent, révélant une autre facette de son talent. Le créateur a exploré le thème de la détresse, ce qui n'est pas dans ses habitudes, pour créer une collection langoureuse qui évoque le bord de mer. (À moins que cela ait quelque chose à voir avec les plantes inspirées des dunes qui ornaient la podium circulaire, au milieu desquelles se lovait une fontaine extérieure, au 28 Liberty Street).

Jason Wu - Printemps-été2024 - Mode femme- États-Unis - New York - © Launchmetrics

 
Le défilé s'est ouvert sur un ensemble crème associant ce qui semblait être un denim usé de haute qualité à des pièces dépareillées transparentes aux broderies délicates. Les silhouettes ont peu à peu évolué vers des modèles en maille noire, puis vers une série de pièces en toile de Jouy qui ont attiré tous les regards, et tout particulièrement un manteau de soie blanc à imprimé. Les ourlets amples, pour la plupart asymétriques, ont ajouté une touche de romantisme. Les mini-jupes ont su apporter une bonne dose de peps à certaines tenues, notamment en association avec un haut transparent incrusté de tulle ou un pull rouge à bords effilochés. Le défilé s'est terminé par les robes, marques de fabrique de Jason Wu, qui trouvent toujours leur place sur les podiums. On peut souligner une proposition des plus remarquables du créateur pour une tenue tendance : une robe bleue tout en transparence, portée sur un pantalon.

Ulla Johnson


Ailleurs ce dimanche, Ulla Johnson a, quant à elle, combiné des thèmes de mode éternels - l'art et la nature - dans un festin visuel très alléchant sublimant son esthétique bohème raffinée.


Ulla Johnson - Printemps-été2024-États-Unis- New York © Launchmetrics - © Launchmetrics


Pour ce défilé, la créatrice s'est associée à l'artiste de Brooklyn Shara Hughes, qui a décliné trois de ses œuvres - " Tuck " (2021), " Ignoring the Present " (2018) et " Cherry in Lace " (2022) - en imprimés conçus pour sa collection.

Des motifs végétaux, les imprimés Shibori et les fleurs ont fait leur apparition sur les vêtements dépareillés et les vêtements d'extérieur sous forme d'imprimés all-over, comme en témoigne le ravissant motif sur le thème de l'océan et du ciel sur les modèles qui ont ouvert le défilé. Les touches féminines, comme les styles influencés par la lingerie ornée de dentelle, s'adressent essentiellement aux jeunes femmes d'aujourd'hui qui aiment chiner des robes vintage dans les magasins de seconde main, une tendance cyclique qui revient à la mode.
 
Les créations d'Ulla Johnson ont toujours une touche bohème. Cette collection a un côté plus romantique, une tendance qu'est venu renforcer le groupe Nation of Language, qui s'est produit sur un podium parsemé de dessins réalisés sur le sable et décoré de rideaux de coquillages allant du sol au plafond, qui formaient des cercles que les mannequins faisaient danser en arrivant et en sortant du podium. Cela a également mis en valeur le mélange de textures d'Ulla Johnson, entre paillettes de coquillages, macramé, raphia, matières ruchées et cercles de tissu en forme de soleil cousus à la main, le côté élégant et fait maison propre à la créatrice. La marque a récemment élargi sa présence sur le marché de la vente au détail en ouvrant une nouvelle boutique à Los Angeles. Cette toute nouvelle collection ne manquera pas de stimuler ses ventes, déjà florissantes.
 

Studio 189


Une autre marque, Studio 189, créée par Abrima Erwiah et Rosario Dawson, a montré qu'elle savait aussi manier les imprimés. Pour donner le coup d'envoi des célébrations du 10e anniversaire de la marque, le duo, qui présente la collection comme une marque de mode et lifestyle produite de manière artisanale (une histoire exposée dans un collage de photos en toile de fond du défilé) et une entreprise sociale, s'est associé à Yahoo pour une collection capsule "Ready-to-Vote" ("Prêt-à-voter", NDLT) au profit des organisations Vote Latino et VoteRiders, qui militent en faveur du vote.


Ulla Johnson - Printemps-été2024-États-Unis- New York © Launchmetrics - © Launchmetrics


C'est ainsi qu'est née cette collection bien-être, fabriquée en Afrique, produisant des vêtements et des contenus africains ou d'inspiration africaine. Le défilé s'est ouvert avec la grande poétesse V (anciennement connue sous le nom d'Eve Ensler, auteur des Monologues du vagin et fondatrice de V-Day, qui a pour but de mettre fin à la violence à l'égard des femmes), vantant le travail en coulisses des petites mains qui participent à la fabrication de chaque vêtement. V était accompagnée par une troupe de danseurs en grande forme, sur une chorégraphie signée Virgil Gadson et Djassi DaCosta Johnson, qui a ouvert et clôturé la présentation, donnant le ton de ce défilé.
 
Les mannequins, composés de femmes, d'hommes et d'enfants, ont gambadé, souvent deux par deux, dans des ensembles en batik colorés aux motifs variés, en dansant sur une bande-son entraînante mêlant musique africaine et sonorités latines. La marque a ainsi montré que le tissu pouvait se décliner à l'infini, se matérialisant aussi bien par une chemise décontractée pour homme ou une tunique traditionnelle que par une ample jupe de bal, comme en portaient d'ailleurs les danseuses. L'événement à la bonne humeur contagieuse s'est achevé par un discours des créatrices devant le public, ce qui a ajouté à l'ambiance bon enfant de ce défilé.
 
"Nous voulions fêter notre croissance et rendre hommage aux communautés avec lesquelles nous travaillons. C'est incroyable de voir à quel point nous avons progressé au fil des années. C'est toujours un défi, mais notre engagement et notre motivation pour le futur sont encore bien présents. Après la pandémie et les séquelles qui demeurent pour bon nombre d'entre nous, il est important de reconnaître la joie et d'identifier les problèmes à traiter", a déclaré Rosario Dawson après le défilé.

Interrogée à son tour, Abrima Erwiah n'a pas souhaité commenter les coups d'État militaires de ces dernières années qui ont ébranlé la région alors qu'elles travaillaient sur leurs productions, expliquant : "C'est la vie. C'est le monde dans lequel nous vivons. Le bon côté des choses, c'est que nous avons appris à travailler dans un tel contexte."

Les événements, bons ou moins bons, ont donné naissance à une collection ciblée, débordant de pièces colorées, faciles à porter et gorgées d'ondes positives.

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