New York Fashion Week: Tory Burch, Paul Andrew et Brandon Maxwell
Alors que la quatrième journée de la New York Fashion Week touchait à sa fin, la menace de l’ouragan Lee continuait de planer sur la ville, tout comme l’ombre du 11 septembre 2001, 22 ans plus tard.
La mode a toujours été étroitement liée à ce jour tragique, car plusieurs défilés étaient en cours lors de l’attaque du premier avion. Depuis, New York a bien changé; mais la ville a conservé sa résilience. Trois marques new-yorkaises, incarnant chacune à leur façon le cran dont font toujours preuve les habitants de la Grosse Pomme, ont présenté leurs collections Printemps 2024.
Bien choisir ses emplacements a toujours été une composante essentielle d’un marketing mix réussi. Les défilés de mode ne dérogent pas à la règle: un écrin à la mesure de l’événement peut lui ajouter une dimension significative. Tory Burch l’a bien compris, et a investi le nouveau Centre Richard Gilger pour la Science, l’Éducation et l’Innovation au Musée Américain d’Histoire Naturelle. Première maison à défiler dans cet espace futuriste et caverneux qui n’est pas sans rappeler la famille Pierrafeu, elle fait aussi partie, si l’on en croit quelques langues bien pendues dans le public, des seules qui en auraient les moyens.

Cette saison, Tory Burch a présenté une collection sobre, explorant quelques idées audacieuses plutôt éloignées de l’esthétique habituelle du label. En coulisses, la couturière a rapporté aux journalistes avoir choisi ce lieu pour renforcer la sensation de sérénité qu’elle essaie de transmettre à travers la collection.
“Dans ce monde chaotique, j’avais envie de calme, mais pas de minimalisme. Je me suis concentrée sur l’expérimentation. Je me suis saisie d’objets traditionnellement utilisés pour restreindre les femmes et je me les suis réappropriés en les intégrant au corps“, expliquait-elle. Elle fait notamment référence aux résilles à cheveux que l’on trouvait sur certains sacs à main, aux baleines créant des robes fluides et aériennes aux formes organiques, aux crinolines surmontant certains sacs ou aux robes de déesses ultra-courtes, jouant avec l’idée de superposition et la structure des matériaux.
“Comment créer des pièces complexes, mais pas compliquées? Elles sont vraiment flatteuses pour le corps et agréables à porter. Je voulais que les pièces respirent la liberté, la facilité et suscitent l’intérêt“, continue la créatrice.
C’est pourquoi ses mini-robes drapées et froncées sont conçues dans un jersey plus léger qu’une plume. “Pour moi, c’est une vraie nouveauté. Je ne suis pas une grande adepte des robes courtes. J’ai voulu me mettre au défi d’en créer, donc autant jouer le jeu à fond“, sourit-elle, ajoutant: “Les femmes sont plus libérées que jamais concernant ce qu’elles peuvent se permettre de porter ou non, et de nombreuses femmes incroyables portent des robes courtes. J’adore le sentiment d’assurance que cela leur apporte.“
Évidemment, l’objectif commercial inavoué est sûrement de toucher un public plus large. Elle reconnaît d’ailleurs qu’elle aimerait voir les petites amies de ses fils âgés d’une vingtaine d’années porter ses vêtements, mais aussi sa mère. L’intemporalité est un autre objectif de la collection.
“Les femmes investissent dans de belles pièces. Comment créer des choses qui durent? Je ne voulais pas faire référence aux années 1960, ni aux années 1990; je voulais une collection ancrée dans le présent“, revendique-t-elle.
Elle a atteint sa quête de simplicité et de profondeur de différentes façons: on remarquera par exemple la petite clochette accrochée à un manteau du soir classique en coton, qui fait aussi référence à la spiritualité ressentie par la créatrice lors de la découverte de cette aile rénovée du musée.
“J’ai pensé qu’il serait intéressant d’entrer dans une pièce et d’être entendue“, poursuit-elle.
La maison Tory Burch a construit une bonne partie de son succès sur les accessoires, et la créatrice n’est jamais à court d’idées pour séduire ses fans. Pour preuve, les sandales ergonomiques du printemps 2023, devenues virales.
Cette saison, elle a présenté des chaussures à brides avec effet ajouré offrant une nouvelle version de la ballerine. Désignant ses propres chaussures, à monogramme en T, Tory Burch a affirmé avoir repensé son logo emblématique, qui apparaît maintenant sur les vestes et manteaux, les articles de sport et les accessoires de la collection.
“J’adore notre logo, mais il a été pensé pour être un élément de design, pas un logo“, sentencie-t-elle.
Peut-être, mais il est en tout cas inextricablement lié à l’histoire de la maison.
Brandon Maxwell
L’interdiction des téléphones imposée par Brandon Maxwell à ses invités en a peut-être choqué certains, mais a sans nul doute fait mouche auprès des autres, enchantés de cette occasion de se séparer un instant de leur fil à la patte et de profiter pleinement du moment présent. Et la collection Printemps 2024 du créateur était admirable à plusieurs points de vue.

Brandon Maxwell a choisi de défiler à la galerie Andrew Kreps, un petit espace niché dans la Cortlandt Alley. Des panneaux en tissu blanc ajoutaient encore à l’impression d’intimité. La collection utilisait avant tout des tissus monochromes comme le lin stretch, la maille italienne transparente et le crêpe italien épais de laine et soie, qui structurait des capes et des châles surmontant des jupes balayant le sol avec une très légère transparence. Du côté des nuances, les blancs chaleureux, le bleu marine, le vert olive et un rouge orangé éclatant dominaient la palette.
Fluide mais structurée, minimaliste avec des détails travaillés, neutre mais colorée, cette collection était résumée par Brandon Maxwell dans une déclaration.
“Mon développement personnel a été vital dans mon évolution en tant que créateur. La collection a commencé par être plutôt contrainte, avec des matières structurées et lourdes, avant d’évoluer vers la douceur et vers une sensation plus organique. C’est en quelque sorte une vision de la vie, la lutte constante entre la liberté et la restriction, la reconnaissance et l’invisibilité, la destruction et la création; un besoin évident d’équilibre“, analyse-t-il.
Le créateur a réussi à trouver le sien en répondant aussi bien aux besoins des citadines ayant une vie sociale animée qu’à celles ayant un mode de vie plus tranquille. Les crêpes évoquaient un confort épuré, tandis que certaines pièces montraient la sophistication typique de la maison, comme une jupe en patchwork de cuir, des robes en cuir sculptées et décorées de paillettes de cuir et un modèle à découpes ajourées et froncées au buste. Le jean, revisité, était accompagné d’empiècements en cuir. Un exercice difficile, mais réussi.
Presque tous les looks étaient portés avec un cabas sacoche oversize orné d’un nœud en métal doré (un élément que l’on retrouvait sur les ceintures, figurant aussi parmi les pièces fortes de cette collection). Un travail de maroquinerie qui laisse à penser que Brandon Maxwell pourrait bien avoir envie de renforcer sa présence dans cette catégorie, une bonne nouvelle pour les élégantes qui portent déjà ses créations.
Les chaussures haut de gamme de Paul Andrew n’ont pas déçu leurs fans pour ce grand retour au calendrier officiel de la fashion week de New York. Le créateur a relancé sa collection en 2022 après être rentré à New York suite à la fin de sa collaboration avec Ferragamo et a rafraîchi son label avec une nouvelle attitude, plus funk et plus pointue.

Paul Andrew a choisi l’un des lieux les plus emblématiques de New York, la patinoire du Rockefeller Center, où il a aligné ses sandales, ses chaussures plates et ses bottines devant la fontaine Prometheus. Il a fait appel à une troupe de danseurs/patineurs sur glace qui ont signé une véritable sérénade, chorégraphiée par Eric Christison sur une bande originale de Frédéric Sanchez.
Tout était parfait jusqu’à l’intervention de l’ouragan Lee, dont les vents ont amené une averse torrentielle, semant la panique parmi les assistants courant à droite, à gauche pour tenter de sauver les chaussures, plus subtiles que lors des saisons précédentes.
Les équipes ont rapidement fait disparaître les modèles à fermeture zippée émaillant la collection, dans une palette de couleurs allant de l’ocre au noir en passant par le rouge, le blanc et l’argenté. Les fermetures éclair apparaissaient aussi sur des mules tendance à talon stiletto circulaire et des bottines zippées. Sans oublier les escarpins et les chaussures plates.
Les bottines et escarpins à bout pointu auraient mérité de rejoindre toutes les garde-robes de printemps. Le nouveau talon sculptural des chaussures Lucite, inspiré de l’œuvre de Jochen Holz, est bien parti pour devenir l’un des essentiels de cette collection. Plusieurs versions de l’espadrille avec un détail nœud s’adressaient aux clientes des destinations de bord de mer. Et pour celles qui n’ont pas peur de mettre un peu d’originalité à leurs pieds, les autres chaussures à talons emblématiques de Paul Andrew, les Arc, se déclinaient avec une première de propreté en fourrure.
“L’inspiration, ce sont des chaussures faciles à porter; je résumerais cette approche par le terme “du bureau à la disco“. Une chaussure à porter de jour comme de nuit sans repasser se changer“, déclare-t-il. Pour lui, la chaussure idéale de printemps est un modèle plat d’inspiration brutaliste, avec une simple bride zippée.
Alors, oui, le mauvais temps a forcé les équipes à disposer les chaussures à l’intérieur, sur les tables de Jupiter, le restaurant accueillant l’événement. Mais ce n’était pas forcément un problème: la foule d’invités épuisés et affamés a accueilli l’apéritif comme une bénédiction, sirotant un excellent vin de la Napa Valley. Les intempéries ont forcé tous les participants à prolonger leur visite et à savourer ce moment avec Paul Andrew. Ce qui est déjà une petite victoire en pleine Fashion Week.
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