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Marguerite Capelle
Publié le
24 janv. 2020
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Paris couture : sombre, spirituelle et classique

Traduit par
Marguerite Capelle
Publié le
24 janv. 2020

On dit que la mode est le reflet de son époque, et dans cette période sombre de l’histoire du monde – des incendies de forêt australiens au conflit au Moyen-Orient, en passant par les grèves de transport qui n’en finissent pas en France – la saison de Haute Couture parisienne n’avait jamais autant serré la bride depuis des années.


Jean Paul Gaultier - Printemps-été 2020 - Haute Couture - Paris - © PixelFormula


Une saison marquée par un esprit d’émancipation des femmes, des silhouettes radicalement diminuées et, le plus mémorable de tout, le défilé d’adieu de Jean-Paul Gaultier, qui a tiré le rideau sur une carrière longue d’un demi-siècle, et clôturé ainsi un immense chapitre de la mode française : l’ère du Créateur.

En termes d’allure, le combat pour l’émancipation des femmes a une nouvelle fois occupé le devant de la scène, dans une saison marquée par la présence de nombreuses couturières. En termes de silhouette, on a vu une réduction drastique des volumes, de même qu’un accent mis davantage sur les formes classiques, comme chez Christian Dior, où la majorité des pièces semblaient avoir été créées pour des déesses de la Grèce antique.


Christian Dior - Printemps-été 2020 - Haute Couture - Paris - © PixelFormula

 
« De mon point de vue, les déesses sont partout, dans l’art comme dans la vie, alors pourquoi pas dans la mode ? » commentait la directrice artistique de Dior, Maria Grazia Chiuri.

Dior est également parvenu à associer émancipation et classicisme, avec une collection présentée sous une tente géante en forme de buste féminin. Intitulée « The Female Divine », l’installation est une création de l’artiste féministe américaine Judy Chicago.


Chanel - Printemps-été 2020 - Haute Couture - Paris - © PixelFormula

 
Chez Chanel, la couturière Virginie Viard prenait comme référence une vision plus catholique de la spiritualité. Elle a cherché l’inspiration dans une visite à Aubazine, l’austère couvent cistercien où Coco Chanel a été envoyée à 12 ans, quand sa mère est morte.

Le résultat était une collection ascétique et souvent très belle. Des tailleurs à carreaux élégants coupés à sept centimètres au-dessus du genou et complétés par des chaussures en cuir vernis noir et des socquettes blanches d’écolières, partageaient le podium avec des robes en laine gris foncé ornées de poches et avec des épaules en scapulaire, ou pour les vraies femmes jouissant d’une vraie autorité, des robes noires ceinturées profondément fendues, comme celle que portait Gigi Hadid – la mère supérieure de chez Chanel pour la saison.


Givenchy - Printemps-été 2020 - Haute Couture - Paris - © PixelFormula


Une saison de couture qui n’était clairement pas dépourvue de romantisme, mais encore une fois du genre libérateur. Comme chez Givenchy, où la collection florale audacieuse de Clare Waight Keller rappelait le légendaire jardin anglais de Sissinghurst, une oasis nordique qui fut entre autres le fruit de l’amour de deux femmes : Vita Sackville-West et Virginia Woolf.

La créatrice a joué avec de nombreux volumes pour son défilé, auquel assistait le père fondateur de cette obsession récente dans le monde de la couture : Pierpaolo Piccioli, de Valentino. Mais celui-ci a vraiment gardé les dimensions sous contrôle dans sa propre maison cette semaine, en travaillant une faille aux teintes fabuleuses pour former des spirales remarquables qui rappelaient les films en Technicolor, les déesses du cinéma des années 1950 et les mondaines italiennes de la même époque.


Elie Saab - Printemps-été 2020 2020 - Haute Couture - Paris - © PixelFormula


Ailleurs, nous avons eu droit à un romantisme séducteur et surréaliste chez Schiaparelli, tandis qu’Elie Saab sortait une collection mexicaine impériale. Style ethnographique sophistiqué aussi chez Armani Privé avec un défilé orchestré autour de l’Ikat, où Giorgio a su attirer la plus grande star de la semaine, Reese Witherspoon.

Notamment parce que c’est la saison des prix aux États-Unis, les défilés de janvier attirent rarement beaucoup de stars de cinéma. Ajoutez à cela la grève des transports et les inquiétudes suscitées par les manifestants du mouvement des Gilets Jaunes, et vous comprenez pourquoi on n'avait jamais vu si peu d’actrices de premier plan assister à la saison couture depuis dix ans.


Giorgio Armani Privé - Printemps-été 2020 - Haute Couture - Paris - © PixelFormula

 
Le dernier jour, une fois que tous les rédacteurs des principaux magazines étaient repartis, on a également pu découvrir une demi-douzaine de jeunes espoirs. Des couturiers expérimentaux qui entretiennent la tradition de la Haute Couture comme laboratoire de la mode.

Avec par exemple Yuima Nakazato, du Japon, dont la collection toute entière était composée d’un nouveau matériau, le Brewed Protein (protéines brassées), un tissu moléculaire que l’on peut mouler sur le torse ou sur le corps. Au toucher, il ressemble à un caoutchouc très léger, mais contrairement à ce dernier, le Brewed Protein est respirant, de sorte qu'après le défilé, aucun top n’avait l’air d’avoir transpiré la moindre goutte.
 

Yuima Nakazato - Printemps-été 2020 - Haute Couture - Paris - © PixelFormula

 
S’inspirant des mangas et de la cosmologie, Yuima Nakazato a créé des formes fantastiques et des silhouettes aux plis accordéon aériens – surmontées par de remarquables coiffes en plumes.

Une heure plus tard, la Toscane Sofia Crociani montrait des profils et contours remarquables, mélangeant les motifs classiques et les assemblages de tissus en vrac. Imaginez la rencontre entre Praxitèle et John Chamberlain. Une collection qui remplissait l’autre mission de la Haute Couture : être le laboratoire de la mode.

Mais en fin de compte, on se souviendra surtout de cette saison comme étant celle du départ de Gaultier, dont le défilé composé de 250 passages a été acclamé par 1 500 fans et amis au Théâtre du Châtelet, et restera dans l’histoire comme le final le plus joyeux qu’ait jamais connu un couturier.

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