Patrice de Maistre, l'homme de cour de Liliane Bettencourt

PARIS, 14 déc 2011 (AFP) - L'ancien gestionnaire discret de l'immense fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre, interpellé mercredi, a su s'attirer les faveurs de la milliardaire et décrocher une Légion d'Honneur qui a déstabilisé un ministre.

Patrice de Maistre, 62 ans, connaît les usages de la haute société : descendant du philosophe Joseph de Maistre et héritier de la dynastie industrielle des Japy, cet homme à l'allure aristocratique est marié à la première épouse du patron de LVMH, Bernard Arnault.

Patrice de Maistre. Photo AFP

Ancien expert-comptable au cabinet Deloitte, il semble donc être fait pour gérer la troisième fortune de France. Introduit par l'ex-PDG de L'Oréal, Lindsay Owen Jones, il entre tout naturellement au service de la fille du fondateur de L'Oréal en 2003.

Patrice de Maistre, qualifié d'"ami" par Liliane Bettencourt à son départ il y a un an, a su gagner la confiance de la milliardaire qui lui a offert cinq millions d'euros en 2008 pour sa retraite.

Dans les enregistrements, il va même jusqu'à lui demander de rapatrier à l'insu de sa fille de l'argent placé en Suisse pour qu'il puisse s'offrir le bateau à voile de 21 mètres de ses rêves.

Son influence auprès de la milliardaire et son rôle présumé dans des opérations d'évasion fiscale que suggèrent les enregistrements pirates réalisés au domicile de la milliardaire de mai 2009 à mai 2010 ont déjà poussé les policiers à le placer en garde à vue à plusieurs reprises.

Patrice de Maistre, qui a réalisé plusieurs investissements en Afrique, notamment au Gabon, est également soupçonné de blanchiment de fraude fiscale.

"comptes en Suisse"

L'ex-gestionnaire de fortune, dont le domicile a été perquisitionné en 2010, avait reconnu l'existence de deux comptes de Liliane Bettencourt en Suisse non déclarés d'une valeur de 78 millions d'euros dont il n'aurait "découvert l'existence qu'en novembre 2009". Il assurait alors qu'il allait régulariser ces comptes.

Son rôle apparaît toutefois plus trouble à la lecture des retranscriptions des enregistrements. Le 27 octobre 2009, il déclare ainsi à Liliane Bettencourt, dont la fortune est évaluée à 17 milliards d'euros : "Il faut qu'on arrange les choses avec vos comptes en Suisse. Il ne faut pas que l'on se fasse prendre avant Noël".

Concernant l'un des deux comptes, Patrice de Maistre précise trois semaines plus tard : "Je suis en train d'organiser le fait de l'envoyer dans un autre pays, qui sera soit Hong Kong, Singapour ou en Uruguay".

Son avocat de l'époque, Me Pascal Wilhelm, ex-protecteur de Liliane Bettencourt, avait décrit son client comme un "homme qui arrive très tard" dans l'entourage de Mme Bettencourt et "prend connaissance de comptes gérés depuis des années par des professionnels à l'étranger".

Patrice de Maistre est également désigné devant les policiers par l'ex-comptable de Mme Bettencourt comme l'intermédiaire qui "s'occupait des 'politiques'", dont l'ex-ministre Eric Woerth. Il aurait notamment, selon elle, versé 150.000 euros en liquide en 2007 au trésorier de l'UMP pour financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. "Des allégations mensongères" qu'il conteste.

Pourtant, ses liens avec le couple Woerth ont mis en difficulté le ministre du Travail qui lui avait remis en janvier 2008 les insignes de chevalier de la Légion d'honneur. Eric Woerth avait été contraint de quitter le gouvernement après avoir notamment admis être intervenu en sa faveur. Sa femme, Florence, avait dû démissionner en juin 2010 de la société gérant le patrimoine personnel de Liliane Bettencourt dirigée par Patrice de Maistre.Par Pauline TALAGRAND