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29 juin 2021
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Patricia Tranvouëz (Etam): "Je suis persuadée que la contrainte permet d'innover"

Publié le
29 juin 2021

A son arrivée à la tête de l'enseigne Etam en novembre 2019, Patricia Tranvouëz ne s'imaginait pas devoir faire naviguer la marque dans les flots d'une pandémie mondiale quelques mois plus tard. Mais de la contrainte nait l'innovation, ainsi qu'aime le clamer cette ex-dirigeante du secteur de la beauté (Unilever, L'Oréal, LVMH). Intarissable dès qu'il s'agit de présenter et décrire les produits de la marque phare du groupe Etam (Undiz, Maison 123, Livy...), la directrice générale – qui se déplace à vélo et affectionne les sports d'eau - a livré à FashionNetwork.com les multiples projets lancés depuis son arrivée. Bien que la crise ait freiné les ventes, elle a officié comme un catalyseur sur divers sujets, dont la recherche absolue du confort, le rapprochement de la lingerie et du prêt-à-porter ou encore l'amélioration de la supply chain.


Patricia Tranvouëz - groupe Etam


FashionNetwork.com: Comment Etam se porte-t-elle depuis la réouverture des commerces?

Patricia Tranvouëz:
En France, la réouverture de nos 420 magasins s'est bien passée, avec +100% le 19 mai, et une hausse de +40 à +45% d'activité depuis cette date, par rapport à 2019. Ce qui est très positif. De plus, ce troisième confinement n'a pas été mondial, nos boutiques sont restées ouvertes en Espagne ou en Russie par exemple. Autre point de satisfaction, le site marchand (représentant 15 à 20% des ventes), qui a très bien fonctionné pendant le confinement, ne s'est pas effondré à la réouverture.

FNW: Les soldes démarrent le 30 juin, est-ce une période très attendue pour écouler les stocks?

PT:
Ils seront moins importants cette année car nous avons à nouveau moins acheté durant le confinement. Surtout, la crise nous a forcés à changer de méthode d'achat pour être plus agiles et flexibles. Il y a une phrase de Léonard de Vinci que je répète à mes équipes depuis 25 ans: "Toute contrainte m'est grâce". Je suis persuadée que la contrainte permet d'innover. Avant, le budget supply chain n'était revu que deux fois par an, il est maintenant modifié tous les mois, avec parfois de grosses variations à la clé. C'est un travail qui se poursuit mais les sources d'approvisionnement ont été diversifiées, des projets sont en cours avec des partenaires en Turquie ou en Tunisie. Bien sûr nous n'abandonnons pas l'Asie. L'idée est de pouvoir appuyer davantage sur le bouton au dernier moment.


Pantalon de pyjama et triangle satinés - collection printemps-été 2021 - Etam


FNW: Quelle est votre feuille de route à la direction de la marque?

PT:
Mes trois piliers sont désirabilité, omnicanalité et international. Je suis avant tout une amoureuse du client. Nous avons travaillé fort avec les équipes pour mieux le comprendre, s'appuyer sur des études… Avec l'ambition de changer le style de la lingerie Etam, en allant vers un certain "confort sexy". La tendance du "no bra", qui concerne 10% des femmes, montre qu'elles ne veulent pas faire de compromis. Tous nos modèles doivent être avant tout agréables à porter, et même pouvoir s'oublier! 75% des femmes possèdent des soutiens-gorge qu'elles ne portent pas, souvent à cause d'un inconfort.

Nous avons par exemple lancé une nouvelle coque ultra fine, mais aussi une dentelle hyper-stretch à 360°, de même qu'un coton extensible. Auparavant, chez Etam, le coton était réservé aux premières lingeries à destination des adolescentes. Ce n'est plus le cas. Nous avons ramené de la féminité dans ces modèles en coton, et ça cartonne. Un soutien-gorge sans armatures et rehaussé de tulle arrive prochainement, dans l'optique de décliner à l'avenir le coton du style le plus sporty jusqu'au plus sexy.

De plus, les couleurs très vives sont moins présentes dans la collection, même si nous conservons quelques teintes électriques. L'idée est de proposer des nuances plus douces mais recherchées, à la Farrow & Ball (un fabricant de peintures premium, ndlr). On monte en gamme, mais pas en prix, car il faut absolument que cette marque démocratique reste accessible. Il était hors de question que notre culotte en coton extensible coûte plus que 9,99 euros. La marge a été réduite: l'écoresponsabilité coûte cher, mais c'est notre conviction pour l'avenir.


Le modèle hybride "24h" et la gamme utilisant la teinture végétale - Etam


FNW: D'autres nouveaux lancements produits sont-ils reliés à votre politique RSE?

PT:
Tout à fait. Le programme WeCare et toutes les initiatives qui en découlent ne viennent pas s'ajouter à ce qui existe déjà, ce sont des principes placés au cœur du réacteur. De 9% de la collection en 2019, les produits fabriqués à partir de matières plus durables concerneront 50% de l'offre en 2021, avec l'objectif d'atteindre 80% en 2025. Une ligne en dentelle recyclée a vu le jour, tandis qu'une toute première gamme de sous-vêtements en teinture végétale (grâce au pouvoir colorant de l'oignon, la betterave ou le noyau d'avocat) vient d'être commercialisée. Son lancement a même été avancé, car nous n'avions plus beaucoup de stocks en magasin!

D'autre part, dans une sélection de magasins côtiers, nous dévoilons cet été une nouvelle gamme, à savoir une capsule dédiée au surf, incluant des maillots et des tops anti-UV réalisés en matières recyclées. Et en septembre, nos premières culottes de règles seront proposées à la vente. Trois modèles aux teintes ou motifs funs (dentelle, microfibre ou coton) vendus de 25 à 29,99 euros, et qui proposent deux niveaux d'absorption.

Sur le sujet de l'inclusivité, nous lançons également à la rentrée une gamme de soutiens-gorge au fort maintien pour des bonnets profonds, mais sans armatures. De plus en plus de jeunes femmes ont des poitrines plus lourdes (bonnets D, E ou F…) mais ont un petit dos, et peinent trouver des modèles qui leur correspondent. Pour satisfaire leur besoin à la fois de légèreté et de soutien, nous avons imaginé plusieurs modèles ( de formes corbeille et triangle notamment) déclinés du 80D au 110G. Toutes ces technologies sont mises au point dans le "Tech Center" d'Etam installé dans le Nord.


Laury Thilleman incarne la collection surf d'Etam - Etam


FNW: Comment envisagez-vous aujourd'hui le volet prêt-à-porter de l'enseigne?

PT: 
Cette offre vestimentaire a vocation à s'articuler beaucoup plus autour de la peau, nous travaillons une hybridation entre prêt-à-porter et lingerie. Les équipes d'Etam prêt-à-porter et Etam lingerie étaient complétement séparées, j'ai rassemblé tout le monde en juin. Il y a désormais une seule équipe style et sept catégories produits, dont le "jour" (soutien-gorge, culottes…), le "home" (pyjama, PAP pour la maison), ou encore le "beach" (maillots et PAP de plage). Les lignes des blouses, tops ou robes sont pures, mais structurées et féminines.

Un nouveau modèle arrive par exemple pour l'automne-hiver, il s'agit d'un produit à mi-chemin entre un soutien-gorge et un top: en stretch et croisé sur la poitrine (sans armature mais avec une mini-mousse car de nombreuses femmes ne souhaitent pas que le téton soit apparent), il peut tout autant se porter en crop top, que sous une veste, pour une séance de sport ou en soirée. On l'a baptisé "24h"!


collection prêt-à-porter, printemps-été 2021 - Etam


FNW: Sur l'e-shop d'Etam, des marques extérieures sont maintenant référencées sur le format de la marketplace. Quel est le but?

PT:
En effet, depuis la semaine dernière, les griffes lingerie ou bain que sont Esquisse, Nénés et Scampi sont mises en avant sur le site comme "nos marques coup de cœur". Ce sont des labels complémentaires à notre offre et en tant que leader du secteur, nous avons un rôle à jouer pour aider au déploiement des petites marques, en leur donnant de la visibilité. Leur point commun est aussi de proposer une approche écoresponsable.

FNW: Vous parliez de l'export comme l'un de vos axes de développement. Le Covid-19 n'a pas enrayé la machine?

PT:
Pas tant que ça! L'an dernier, nous avons ouvert 18 magasins hors de France, dont 10 en Suisse où nous avons acquis les points de vente de Naf Naf. Etam vient également de se réinstaller en Arabie Saoudite, et va ouvrir un magasin en propre au Mexique. Sur le marché chinois, où la marque était connue pour le prêt-à-porter mais où son réseau de magasins avait fermé en 2018, nous opérons une relance sur le web centrée sur l'offre lingerie avec un fit totalement adapté aux morphologies locales.

En France, la dynamique est différente: un projet de rénovation conséquent débutera l'an prochain, avec un nouveau concept en réflexion, s'inspirant du flagship d'Haussmann à Paris et d'un magasin test à Boulogne. Nous avons investi dans la formation des équipes en magasin car il y a beaucoup d'innovations à connaître et à expliquer. En boutique, nous travaillons également à rendre l'offre plus lisible (avec des muraux organisés par formes), et à trouver des moyens d'enlever le cintre. Ce qui nécessite de réfléchir comment vendre différemment. A partir de cet été, la PLV en point de vente sera plus responsable (à partir de papier recyclé), cela peut paraître anecdotique mais c'est là aussi un coût, soit 90.000 euros de plus pour cette saison.

FNW: Malgré la crise, le groupe consent à effectuer ces investissements?

PT:
Etam est une marque solide et bien gérée depuis de nombreuses années. Avant le Covid-19, elle n'était pas surendettée et a pu passer la crise, même si elle a enregistré en 2020 une baisse d'activité de 15%. Pour le groupe, il n'est pas question de ne pas investir! Sur des aspects RSE, mais aussi pour des sujets plus "invisibles", comme l'intelligence artificielle et les outils digitaux.

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