Pierre Gros (Montagut): "Pour beaucoup de marques, la Chine est une sorte de bouée de sauvetage"

Auteur :

Jean-Paul Leroy

Publié le
15 oct. 2012

La marque Montagut a ouvert cette année un premier magasin en Europe, rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris. La marque française s’est ainsi donnée une vitrine dans son pays d’origine alors que la grande majorité de son chiffre d’affaires est réalisée en Asie. Pierre Gros, PDG de l’entreprise, commente cette ouverture et son rapport à la Chine.

FashionMag.com: Pourquoi une ouverture à Paris et pourquoi maintenant ?
Pierre Gros: C’est vrai que depuis longtemps nous sommes très présents en Asie, en Chine surtout, à Hong Kong, Singapour et Tokyo. Mais, aujourd’hui, nos clients chinois par exemple voyagent. Et une marque dont la griffe est Montagut Paris se doit d’avoir une vitrine pour eux en France. Nous avons d’ailleurs regardé plusieurs sites comme notamment le boulevard des Capucines. Mais nous avons pensé que rue du Faubourg Saint-Honoré, face au Palais de l’Elysée, c’était un meilleur emplacement en termes d’image.

FM: Pourriez-vous donner la répartition géographique de vos ventes ?
PG: Nous sommes présents en Europe, en France bien sûr, mais aussi en Suisse, en Belgique et en Espagne via des multimarques notamment. A Paris, nous sommes aussi aux Galeries Lafayette. Mais l’activité en Asie pèse plus de vingt fois l’activité en France. En fait, le premier pays pour nos ventes est la Chine Continentale, puis Taïwan, le Japon, Singapour, etc.

FM: Pourquoi cette relation avec la Chine ?
PG: En fait Montagut, avec Pierre Cardin, a été une des premières marques à pénétrer le marché chinois, grâce à nos polos au fil lumière. Au début, nous passions par des traders chinois. Puis, la Chine a signé les accords OMC. Nous avons ouvert un bureau à Canton. Aujourd’hui, il compte cinq managers français. A suivi une sorte de raz de marée des marques. Pour beaucoup d’entre elles, c’est une sorte de bouée de sauvetage. Ces marques réinvestissent leur bénéfice mondial sur la Chine.

FM: En fait la concurrence s’est accrue pour vous ?
PG: Bien sûr, il faut partager aujourd’hui. Mais le gâteau grandit. Et vite. Montagut est une des trois marques leaders en polo en Chine. Nous y avons 700 points de vente à enseigne et 3000 multimarques avec la diffusion des licences. Mais nous n’avons pas le même positionnement que les griffes. Celles-ci sont dans le secteur luxe, nous dans le haut de gamme. Les griffes ouvrent par exemple des boutiques dans les grandes métropoles d’au moins 7-8 millions d’habitants. Nous, nous sommes dans toute la Chine. Nous tenons à ce positionnement, là où il y a plus de monde. Aujourd’hui, les super riches, qui achètent le grand luxe importé d’Europe, sont entre 1 million et 1,5 million de Chinois. Nous, nous comptons en dizaines de millions notre cible.

FM: Est-ce que vous voyez le goût des Chinois évoluer ?
PG: Bien sûr. Il y a encore quelques années, les Chinois achetaient des produits très logotés, avec des inscriptions. Aujourd’hui, le goût chinois s’européanise. Pour autant, il s’habille moins formel qu’un Européen. Il porte par exemple plus de polos que de chemises !

FM: Vous réalisez les mêmes collections pour l’Europe que pour la Chine ?
PG: Non. Il y a des adaptations d’autant plus qu’aujourd’hui nous créons des silhouettes complètes, des accessoires. Cela se fait parfois sous licence. Il y a aussi un problème de taille différente entre les Européens et les Asiatiques.

FM: Comment voyez-vous l’avenir de Montagut ?
PG: Nous travaillons sur plusieurs éléments: l’élargissement des gammes par exemple vers des chemises, des blousons, des accessoires en Europe. Le magasin parisien va nous servir de lieu de test. Nous souhaitons aussi, vraisemblablement pour 2014, travailler une ligne plus jeune à destination d‘une nouvelle clientèle. Nous venons de lancer aussi de vrais sites internet de e-commerce. C’est mon fils Nicolas qui s’en occupe. Nous avons ainsi ouvert un site basé en France pour l’Europe et les Etats-Unis. Il est en français et en anglais. Nous ajouterons prochainement des versions espagnole et allemande.
Fin octobre, nous lancerons aussi un site pour la Chine continentale en mandarin. Dans un second temps, nous lancerons un site sur le Japon.