Place des Tendances : les fondateurs quittent le navire

Auteur :

Matthieu Guinebault

Publié le
15 juin 2018

Après dix ans d’activité et cinq ans depuis le rachat du portail par le groupe Printemps, les cofondateurs et dirigeants de Place des Tendances, Christine Feuchot et Bertrand Rochebillard, quittent leurs fonctions, selon une information de FashionNetwork.com que nous a confirmé le portail. Un départ qui intervient sur fond de bras de fer judiciaire avec le propriétaire.

Pour l'heure, Printemps ne nous a pas indiqué qui doit prendre la relève des dirigeants historiques. Selon nos informations, ce changement de donne pourrait marquer l'arrivée aux commandes d'un cadre du grand magasin. Reste à savoir si ce départ constitue un accord trouvé entre les fondateurs et le grand magasin dans le cadre du litige judiciaire qui les oppose. Les co-fondateurs n'ont à cette heure pas retourné nos appels.

Car cette situation intervient après la révélation, à l’été 2017, par le Canard Enchaîné des recours judiciaires engagés par les deux fondateurs à l’encontre du Printemps. On apprenait alors que les plaignants réclamaient 11,9 millions au groupe pour non-respect des engagements pris lors du rachat du portail, reprochant au nouveau propriétaire d’avoir sciemment freiné la convergence des activités, alors même que l'acquisition devait permettre au distributeur de rattraper son retard en termes d'e-commerce.

Publicités

Fondé en 2007, Place des Tendances avait été racheté en 2013 par Printemps pour 30 millions d’euros, au moment où le groupe passait lui-même dans des mains qataris. Les ambitions du grand magasin pour le portail avaient été détaillées au mois de novembre suivant par Paolo De Cesare lui-même, à l’occasion d’un petit-déjeuner réunissant quelques journalistes sous les toits du grand magasin d’Haussmann. « Nous allons garder pour un temps l’identité de Place des Tendances, nous avait expliqué le PDG du groupe. Nous allons avancer pas à pas et voir comment les consommateurs, les nôtres comme les leurs, réagissent. Et évaluer comment donner à chacun plus de visibilité. »

Vers le bras de fer judiciaire

Deux ans plus tard, ces ambitions avaient évolué, pour Paolo De Cesare. « Nous voulions basculer (Place des Tendances, ndlr) vers notre nom, mais la notoriété très forte du site nous a fait revenir en arrière sur cette idée et de plus, les cyberacheteurs français sont très loyaux vis-à-vis d’un site d'e-commerce, nous indiquait le dirigeant. Peut-être qu’à l'international, le site sera simplement nommé Printemps ». Plus étonnant, deux ans plus tard, à l’été 2017, Christine Feuchot nous expliquait que la nouvelle marque propre du site, Day Off, ne serait pas vendue dans les magasins du Printemps. Mais la fondatrice évoquait néanmoins la possibilité que ce lancement puisse faire bouger les choses.

Mais, faute de mouvement, la relation entre les fondateurs du site et Printemps finissent par se détériorer. Les premiers réclament donc 11,9 millions d'euros au second. Après la cession de Place des Tendances, ses fondateurs devaient toucher au bout de quatre ans un complément, plafonné à 8 millions d’euros et conditionné à la réalisation du « Business Synergies Plan ». Ce dernier inclurait la fusion de Place des Tendances et Printemps.fr, la vente des marques présentes dans le grand magasin sur le site et permettre à celui-ci d’exploiter la base de données clients du Printemps.

Au coeur du recours, Christine Feuchot et Bertrand Rochebillard soupçonnent Printemps Holdings France d’avoir sciemment freiné la convergence des structures afin de ne pas avoir à verser le complément de paiement.

« Nous avons totalement respecté les engagements pris au moment de l’acquisition », expliquait de son côté la direction du Printemps à L’Obs l’an passé. Le grand magasin indique que le Tribunal de Commerce de Paris a le 22 décembre dernier formulé un jugement en sa faveur. A ce jour, le Printemps ne dispose pas de portail de vente en ligne à son nom. Place des Tendances aurait réalisé l'an passé 39,9 millions d'euros de chiffre d'affaires (+17 %). Contacté, le groupe Printemps n'a pas répondu à nos sollicitations.