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16 mars 2020
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Pour les entreprises, une fermeture des commerces et des questions

Publié le
16 mars 2020

Pas d’ouvertures ce dimanche sur les artères commerçantes de France. A Paris, les boutiques des Champs-Elysées, les grands magasins du boulevard Haussmann et la rue Saint-Honoré ont gardé portes closes. Idem en régions. Face à la pandémie de Covid-19, le gouvernement français a décidé samedi de renforcer ses mesures. Edouard Philippe a annoncé dans la soirée du 14 mars la fermeture jusqu’à nouvel ordre des "lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays", une annonce qui concerne tous les commerces, à l'exception des magasins et marchés alimentaires, pharmacies, banques, bureaux de tabac ou encore stations-essence.


Les grands magasins du boulevard Haussmann à Paris ont prévu leurs équipes de la fermeture entre samedi soir et dimanche matin - AFP



"Après l’annonce de samedi soir, il fallait prévenir les équipes pour le dimanche matin. Nous avons envoyé un message dans l’intranet de l’entreprise, chaque magasin a tenté de contacter ses équipes en direct et ce matin un accueil spécifique était organisé pour les salariés qui n’auraient pas eu l’information, explique-t-on au niveau du groupe Printemps. Nous n’avions pas d’information sur la date de mise en œuvre d’une telle mesure, mais avec ce qui s’était passé en Italie, nous avions préparé la communication et l’organisation dès vendredi."
 
"Tout cela a un impact énorme évidemment, le personnel en magasin représente 90 % des effectifs de nos adhérents, constate Emmanuel Le Roch, délégué général de l’association Procos qui représente les enseignes, regroupant au total 60 000 magasins et quelque 800 000 salariés. Mais c’est un impératif sanitaire et il n’y a pas à discuter. Jusque-là on travaillait pour les prochains jours sur un scénario qui visait à amortir la baisse de fréquentation et d’activité. Là ce n’est plus du tout d’actualité avec 100 % des points de vente fermés""

Avec une activité en boutique réduite à zéro, la situation se clarifie, là où, il y a trois jours, Eric Mertz, président de la Fédération nationale de l’habillement, nous expliquait que "80 % de notre branche est touchée, avec des chutes de ventes allant de 20 à 50 % depuis début mars". Il soulignait d’ailleurs alors que "plus les zones de chalandises sont petites, plus cela s'aggrave, ce qui est particulièrement difficile pour les bourgs".

2,5 millions de salariés concernés



Une chute d’activité qui a, selon plusieurs sources, créé des tensions dans les réseaux, et généré du stress quant à l’organisation et la sécurité sanitaire des équipes en magasins. A présent, la grande majorité des quelque 2,5 millions de salariés concernés par la mesure sont à l’arrêt.

Quelques rares exceptions, dans certains réseaux de petite taille, avaient réussi à confier des missions en télétravail à certains membres de leur équipe. "Toutes les entreprises travaillaient leurs plans, mais avec les annonces du président Emmanuel Macron jeudi, on ne s’attendait pas à cette officialisation ce samedi, estime Yohann Petiot, président de l'Alliance du Commerce. A présent pour les magasins, le décret est très clair : c’est la fermeture. Pour les sièges, les sociétés voulaient tester la capacité technique de leur système à assumer la mise en place du télétravail. Elles vont devoir le tester en direct. Certaines enseignes vont aussi essayer de maintenir une activité e-commerce. Maintenant se posent des questions très pratiques d’application des mesures."
 
Concrètement le gouvernement a notamment annoncé le relèvement de la garantie de l'Etat pour les prêts à travers la BPI de 70 % à 90 %. Il appelle aussi les entreprises à faire appel au chômage partiel. Ce dispositif prenait en charge 70 % du salaire brut et 84 % du salaire net à hauteur du Smic. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a annoncé qu’il serait déplafonné et que l’Etat le prendrait intégralement à sa charge.  

"Prenez ce qui peut être pris"



Pour Pierre-François Le Louët, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin, les entreprises, qu’il s’agisse des marques, enseignes, mais aussi des prestataires du secteur qui sont particulièrement affectés, doivent se tourner vers les dispositifs existants pour trouver des soutiens dans cette crise. "Si votre entreprise est affaiblie, n’hésitez pas, prenez ce qui peut être pris : décalez le paiement des charges sociales, contactez Bpifrance pour solliciter des prêts garantis, utilisez le chômage partiel", alerte-t-il dans une tribune dimanche.
 
Car dans cette crise majeure, le gouvernement et surtout l’administration, qui va être prise d’assaut, vont devoir rassurer les entreprises. Et pour de nombreux interlocuteurs, les modalités du chômage partiel, et notamment le taux de prise en charge qui serait de 84% du salaire net des salariés, mais aussi la prise en charge des arrêts de travail pour les parents d’enfants confinés, demandent des éclaircissements. Une réunion au ministère de l’Economie et des Finances est d’ores et déjà annoncée avec les acteurs du commerce ce lundi matin.

"C'est un vrai tsunami ces annonces de samedi soir, car il n'y a pas eu d'échanges préalables... Nous comprenons les raisons sanitaires, et nous les appliquerons bien sûr dans l'intérêt général, mais il faut comprendre aussi que cela s'ajoute à une crise économique déjà existante", a déclaré Francis Palombi, le président de la Confédération des commerçants de France. "A ces mesures hors norme, il va falloir apporter des réponses aussi hors norme sur le plan économique. Nous allons évidemment demander la suspension de toutes les charges sociales et prélèvements pendant la période d'inactivité, le décalage de tous les prélèvements, y compris des prêts de banques. Nous voulons également demander au ministère de trouver une solution à une vraie discrimination : en fermant tous les commerces non alimentaires, y compris les étals sur les marchés, on créé un décalage avec la grande distribution puisque les grandes surfaces vont continuer à vendre du textile, des loisirs, de la papeterie… "
 
Emmanuel Le Roch soulève de son côté la question des loyers : "Tout le monde est en difficulté. Mais avec des chiffres d’affaires à zéro, au-delà du contractuel, nous sommes dans une situation rendant impossible l’exploitation des magasins. Je vois là deux enjeux majeurs : soutenir la trésorerie des entreprises et, pour les assurances, la prise en charge de la perte d’exploitation."

Dimanche soir sur France 2, Bruno Le Maire a expliqué qu'il annoncerait, avec Muriel Pénicaud, de nouvelles mesures ce lundi. "Nous mettrons en place un fonds de solidarité en particulier pour les indépendants. L'Etat aidera tout ceux qui en auront besoin", a expliqué le ministre qui souligne que cela coûtera "des dizaines de milliards d'euros".
 
Alors que les premières demandes de chômage partiel concernent déjà 6 900 entreprises, leur coût est évalué à 300 millions d'euros. Ce lundi matin, Muriel Pénicaud a annoncé qu'un dispositif allait être déployé pour les trois millions de travailleurs indépendants. Le ministère du Travail a aussi précisé que le chômage partiel couvrira 100% des indemnisations versées aux salariés dans la limite de 4,5 Smic. Il est toutefois impossible pour l’heure de chiffrer les impacts de cette crise alors que la priorité est de juguler l’expansion de l’épidémie. Mais si, comme le souligne Yohann Petiot de l'Alliance du commerce, "l’heure est à la gestion de crise", nul doute que les interrogations sur le financement des mesures et la survie de nombre d’acteurs déjà affaiblis sont au coeur des discussions entre Bercy et les acteurs de la filière.

Après une journée de réunions, ce lundi, de premiers éléments semblent émerger. Un fonds abondé par l'Etat, les régions et des grandes entreprises devrait permettre d'aider 450 000 entreprises indépendantes qui réalisent moins d'un million d'euros de chiffre d'affaires rapporte Le Monde lundi soir. Le quotidien du soir qui précise aussi qu'"une indemnité forfaitaire de 1 500 euros devrait être accordée aux entreprises qui doivent baisser le rideau ou qui ont enregistré une baisse d’au moins 70 % de leur chiffre d’affaires"

Des enjeux d'autant plus importants que le président Emmanuel Macron a annoncé des mesures renforcées de confinement ce lundi soir.
 

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