AFP
15 mars 2009
Prato, "capitale" du textile italien, frappée de plein fouet par la crise
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15 mars 2009
PRATO (Italie), 15 mars 2009 (AFP) - Chute de la production, chômage partiel, appels à l'aide des ouvriers et des patrons : Prato, la "capitale" du textile italien nichée au cœur de la Toscane est frappée de plein fouet par la crise et doute de sa survie.
Entreprise textile Vignali dans la ville de Prato en Italie - Photo : Fabio Muzzi/AFP |
"Les commandes sont en baisse de 30 à 40 %", confie Ivo Vignali, propriétaire d'une société de finissage spécialisée dans les tissus d'ameublement qui emploie 130 personnes.
"Avec la crise, changer le canapé du salon n'est plus une priorité", explique ce petit homme affable au siège de son usine de Montemurlo dans la zone industrielle de Prato, près de Florence (centre de l'Italie).
Pour la première fois depuis la fondation de la société par son père en 1947, les ouvriers vont être mis au chômage technique par roulement à partir de lundi et pour une durée maximum d'un an.
"Je gagne 1 200 euros par mois. Ma femme ne travaille pas, ma paye va tomber à 800 euros", raconte dans un atelier au personnel clairsemé, Carmine Cice, tout en surveillant une machine ou sèche une pièce de velours teinte.
Agé de 56 ans, Carmine espère échapper au pire en partant bientôt à la retraite après avoir cotisé pendant quarante ans.
Mais il s'inquiète pour l'avenir de ses enfants: "si Prato s'arrête, c'est l'Italie qui s'arrête".
Une manifestation sans précédent dans l'histoire de la ville a rassemblé 8 000 personnes le 28 février. Un cortège qui a réuni employés, patrons, élus locaux, syndicalistes et l'évêque sous un ruban d'un kilomètre de long aux couleurs de l'Italie - rouge, vert et blanc -. L'unique slogan : "Prato ne doit pas fermer".
"J'ai manifesté pour la première fois de ma vie à 69 ans pour faire comprendre au gouvernement la gravité de la crise", confie Ivo Vignali dont les deux filles travaillent dans l'entreprise au chiffre d'affaires annuel de 14 millions d'euros.
Avec 7 500 sociétés, le secteur textile (tissus et habillement) fournit du travail à 60 000 personnes à Prato et aux communes environnantes, soit les deux-tiers des emplois.
Il réalise un chiffre d'affaires de 4,6 milliards d'euros par an dont 2,2 milliards à l'export.
La crise actuelle est venue frapper un secteur en perte de vitesse depuis une dizaine d'années lorsque les restrictions pesant sur les produits textiles chinois ont commencé à être levées.
La saignée a été rude : entre 2000 et 2008, le nombre d'entreprises a diminué de 37 % avec 1 867 fermetures qui ont entraîné la disparition de 8 821 emplois.
"La crise actuelle est bien plus terrible que celle née de la globalisation des marchés avec la concurrence de la Chine et de l'Inde. A l'époque, les entreprises se sont repositionnées sur les produits de qualité. Les plus innovantes ont survécu. Aujourd'hui, nous ne savons pas comment réagir face à une crise qui nous dépasse", constate le président du patronat local, Riccardo Marini.
Lui-même fournisseur de tissus pour les grands noms de la mode française (Balenciaga, Lanvin...) et italienne (Armani, Dolce & Gabbana, Moschino...), il craint la perte de 3 000 voire 4 000 emplois en 2009.
"Ce que je redoute le plus c'est que le savoir-faire italien ait disparu lorsque les affaires reprendront. Fabriquer du tissu ce n'est pas appuyer sur un bouton. Il faut une âme au bout des doigts, une culture du métier. L'enjeu c'est tout simplement la survie de la mode italienne", confie l'industriel.
Le gouvernement de Silvio Berlusconi a promis d'annoncer de premières mesures de soutien en faveur du "Made in Italy" vers la mi-mars. A Prato, le temps presse.
Par Françoise MICHEL
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