
Marion Deslandes
19 juin 2020
Quelle place pour les collections écoresponsables chez les grandes enseignes ?

Marion Deslandes
19 juin 2020
Écoresponsable, bio, éco-conçu... ces mots pullulent dans les discours des marques de mode qui assurent prendre conscience de leur impact sur l'environnement et se disent engagées à le réduire. Mais en rayons, quelle est la vraie place accordée à ces collections présentées comme plus vertueuses? Habitué des études sur le marché de la mode, l'analyste Retviews s'attaque dans son dernier rapport à la durabilité dans les collections des grandes marques, en détaillant la manière dont elles s'emparent du sujet et articulent leur offre en la matière. Les entreprises passées au crible sont H&M, Zara, Mango Uniqlo et C&A côté enseignes, ainsi que Ba&sh, Claudie Pierlot, Maje, Sandro, The Kooples et Zadig & Voltaire au rayon des marques premium.

Premier enseignement, les collections éco-conçues sont maintenant bien installées chez ces acteurs internationaux, mais à différents degrés. Chez les deux géants que sont H&M et Zara, ces produits ne représentent respectivement que 9 et 14% de leur assortiment. Évidemment, la notion de durabilité varie selon les marques, il peut ne désigner parfois que la matière, ou inclure le lieu de fabrication, la conception...
Ce rapport ne creuse pas ces différences mais se concentre sur ce que voit le client, à savoir la collection. L'enseigne qui propose le plus d'offre écoresponsable est C&A avec 30%, Uniqlo et Mango ferment la marche avec une part de 2 % seulement.

En regardant plus en détail ces produits étiquetés plus durables, on remarque que la catégorie enfant remporte la palme, en représentant en moyenne 50% de ces offres green, alors qu'en général, l'activité enfant ne correspond qu'à 30% de l'assortiment classique d'une marque.
Chez H&M, 70% de l'offre 'conscious' concerne l'enfant
Le segment féminin, pourtant le plus développé au global, ne compte que pour 33% des lignes écoresponsables. "On peut supposer que les parents sont plus disposés à opter pour des vêtements durables pour leurs enfants, mais il faut aussi noter que les détaillants de mode investissent dans la génération future. Cela pourrait les sensibiliser à la situation et entraîner la jeune génération à acheter ensuite des produits de mode plus durables". Chez H&M, 70% de l'offre 'conscious' concerne l'enfant.

De façon surprenante, les prix des articles écoresponsables sont souvent moins élevés que la gamme classique.
Hormis les lignes très restreintes comme la collection "Conscious Exclusive" d'H&M (qui offre des produits 61 euros plus chers qu'un produit moyen chez l'enseigne suédoise), les vêtements durables ou bio s'avèrent être le plus souvent des tee-shirts plutôt simples (en moyenne 24% de la gamme durable, dont 70% fabriqués en coton). Donc des articles bon marché.

En effet, "afin d'éviter les réductions de prix qui peuvent survenir avec les produits guidés par les tendances, produire principalement des basiques est un moyen de s'assurer qu'ils peuvent être vendus sur le long terme et sans promotion".
Moins de démarques que les lignes principales
Dans les faits, les produits éco-conçus subissent moins de démarques que les lignes principales. Chez Zara par exemple, 14% des articles de la gamme "Join Life" proposent des rabais, contre 44 % de la collection régulière.

En ce qui concerne le sourcing, Retviews observe que les matières utilisées changent peu entre les enseignes mass-market et les marques premium, tant sur la ligne principale que sur la gamme éco-conçue.
"Coton, matières synthétiques (polyester et élasthanne), et viscose sont les plus populaires. En dépit d'être biologiques ou recyclés, ces tissus ont encore besoin de beaucoup de ressources naturelles (comme l'eau) et finissent par être nocifs pour nos océans", pointe l'analyste. En moyenne, 46 % des articles des lignes durables du segment mass-market sont réalisés en coton (contre 31% des lignes classiques).

Retviews soulève aussi la question du greenwashing. "Les détaillants tiennent à faire de la publicité et communiquer sur leur engagement en matière de développement durable. Il s'agit sans aucun doute d'une étape importante. Inditex (Zara) et le groupe H&M font tous deux partie de la detox campaign de Greenpeace, ont signé le Fashion Pact et prennent part à de nombreuses autres initiatives. Tous ces pactes ne sont pas dénués de sens, et ils montrent la volonté des groupes de s'engager pour une industrie plus durable. Cependant, la transparence quand il s'agit à l'approvisionnement et à la production de produits est toujours floue."
Les consommateurs sont bombardés d'informations concernant les produits durables, mais seulement 3% d'entre eux comprennent ce que cela représente réellement. De plus, il n'y a aucune régulation sur le marché de la mode concernant l'étiquetage environnemental.

Pour conclure, Katia Cahen, directrice marketing chez Lectra, livre sa vision et plaide pour une transformation en profondeur du secteur : "Après le choc du Covid-19, le vrai défi de l'industrie de la mode sera la transformation d'une supply chain dépassée, faible et destructrice de valeur en une chaîne axée sur la demande, qui garantit que les produits apportant le plus d'attrait et de sens pour les clients soient ceux qui soient bel et bien fabriqués". Soit l'alignement véritable de l'offre sur la demande pour éviter le gaspillage.
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