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3 avr. 2023
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Recyclage: où en est le tri automatisé des matériaux textiles ?

Publié le
3 avr. 2023

Le développement du recyclage des textiles usagés passera forcément par l’automatisation de l’étape du tri. Six sites européens sont pour l’heure équipés dans ce domaine, et six autres projets sont amenés à émerger, selon un rapport Terra commandé par Refashion, qui se penche également sur les solutions pour les éléments perturbant le recyclage.


Un spectromètre de l'allemand Soex - MG/FNW


Éco-organisme en charge de la collecte des textiles et chaussures en France, Refashion a dévoilé mercredi à Paris un état des lieux technologique sur ce tri automatisé. Un document qui vient compléter la réflexion induite par une autre étude, publiée en parallèle, identifiants matériaux, mélanges et éléments perturbateurs dans les pièces collectées en France et qui ne peuvent être exploitées sur le marché de la seconde main (lire notre article dédié à l’étude).

“Le tri des matières textiles par spectrométrie proche infrarouge, qui était encore au stade de développement il y a 3 ans, commence à être utilisé de manière opérationnelle en Europe, avec plusieurs lignes automatisées en fonctionnement”, explique Etienne Ageneau, responsable du pôle Etudes et Stratégies du cabinet Terra, qui constate un fort intérêt pour ces machines, promettant de nombreux projets. “Si cette technologie présente et présentera toujours certaines limites, elle est aujourd’hui la plus mature sur la reconnaissance des textiles usagés non réutilisables.".

Pour l’heure, six lignes de tri automatisées existent en Europe. La France est représentée par le Cetia (Pays Basque), l’Espagne par Coleo Recycling, le Royaume-Uni par Salvation Army, la Suède par Sysav, les Pays-Bas avec Wieland Textiles, et l’Allemagne par Soex, Un site dont FashionNetwork.com avait proposé la visite lorsque la structure avait présenté son premier spectromètre.

Des projets qui se multiplient



D’autres projets sont en train de naître, comme les lignes de tri annoncées pour cette année par Synergies TLC, structure réunissant six opérateurs de tri et collecte. À cela s’ajoutent le projet finlandais LSJH, ou le site suisse-allemand Texaid intégré au projet Rehubs d’Euratex. Parmi les autres projets, le rapport cite Cisutac, projet porté par Inditex, PVH et Euratex (notre article dédié), le CRTX allemand, ou le projet français Mistery, sans oublier Whitecycle, T-Rex (Textile Recycling Excellence) ou Scirt (System Circularity & Innovative Recycling of Textiles).


Refashion


Le rapport retient par ailleurs quatre principaux fournisseurs de machines de tri matière automatisé: le français Pellec ST, l’espagnol Picvisa, le germano-norvégien Tomra, et le belge Valvan. À ceux-ci s’ajoutent des spectromètres portatifs proposés par le britannique Matoha et les allemands Senoric, Spectral Engines et Trinamix. Des offres dont Terra propose un comparatif.

La multiplication de ces projets est lié à un facteur déterminant, à savoir l'accessibilité croissante en terme de prix: compter de 2.000 à 20.000 dollars le spectromètre, contre de 150 à 300.000 euros pour une machine de tri optique seule. Le spectromètre peut être complété de tapis roulant séparant progressivement les pièces par matières, et même par couleurs, plus facilement identifiables via des systèmes de caméras.

Des technologies toujours limitées



La spectroscopie a recours à des ondes proches de l’infrarouge (ou “NIR” pour “near infrared” en Anglais) pour identifier les matériaux, ou mélanges de matériaux. Utilisée depuis plusieurs décennies pour séparer emballages, plastiques et cartons, son utilisation dans le textile est plus récente. Et se heurte encore à certaines limites liées à la complexité inhérente aux productions textile.

Ainsi, si les spectromètres reconnaissent à 100% les cotons et polyester, l’identification précise des mélanges ne peut se faire qu'une fois que les formules de ces mélanges ont été intégrés à une base de données. Données à la quelle la machine va comparer celles relevées en direct sur une matière à identifier. Une bonne communication avec les fabricants, et une traçabilité des matières, est donc un enjeu.

La technologie a par ailleurs pour limite le fait qu’elle n’identifie que la surface de la matière (détection surfacique). Contre-collages et autres assemblages complexes peuvent ainsi poser des difficultés. En outre, certains pigments sombres ou traitements peuvent jouer sur la précision des résultats. 


Seules alternatives techniquement valables: une généralisation de l’identification matérielle des pièces et de leurs matériaux via des QR Code, ou dispositif d’identification par radiofréquence (RFID), voire des dispositifs NFC (technologie utilisée pour le paiement sans contact). Autant de solutions dont l’implémentation serait difficile, selon le rapport.

Enlever automatiquement boutons et zip avant recyclage ?



Au-delà du tri des matériaux à recycler se pose encore la question du délissage. Ce terme désigne le retrait des boutons, glissières, rives, étiquettes, patch, doublures, fonds de poche… Autant d’éléments perturbateurs déjà mis en exergue par l’autre étude Refashion. Le délissage manuel passe par ciseaux, scie circulaire ou à ruban, ou encore emporte-pièce. Une étape coûteuse en temps et en personnel, et pour laquelle existent des alternatives automatisées.

Et l'effilochage (déchirer la matière pour en récupérer les fibres) est la forme la plus ancienne et mature de ces délissages automatisés. Mais apparaissent d’autres approches comme le délissage sur chiquettes, technique via laquelle une pièce est découpée en petites portions, dont celles présentant des “points durs” sont détectées automatiquement et gérées à part. Plus précise, la découpe automatisée sur-mesure vise elle à découper autour des points durs, pour ne laisser que les matériaux facilement traitables.


Le centre de tri Soex près de Leipzig - MG/FNW


“Ce type de délissage automatisé en est encore au stade de la R&D ou de la preuve de concept. Les retours d’expérience sont donc limités”, note le rapport, qui pointe que ce procédé, plus coûteux, pourrait être réservé aux matières à forte valeur ajoutée. “Une telle technique de délissage aurait l’avantage de maximiser la surface des morceaux de textiles délissés et donc de conserver un maximum de matière et de longueur de fibre”.

Quatre projets de démantèlement automatisés sont actuellement portés en Europe. En France, le Cetia travaille à l’effilochage avec délissage intégré automatisé, mais aussi à la découpe automatique. Toujours en France, Synergies TLC veut mêler chiquette et effilochage. Le projet franco-espagnol Recuprenda mise lui sur la séparation de chiquettes, tandis que Scirt, projet européen, s’oriente vers la découpe intelligente. 

Reste qu’une solution permettrait de contourner le problème: la prise en compte de l’étape de recyclage dès la conception d’un produit. Une approche qui permettrait de limiter le nombre d’éléments perturbateurs. Ou de développer, par exemple, le recours à des fils spéciaux facilitant le retrait de ces pièces parasites.

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