
Jean-Paul Leroy
31 mars 2014
Réflexions: le luxe et l'empathie sont-ils compatibles ?

Jean-Paul Leroy
31 mars 2014
Dans quelques jours, du 4 au 6 avril exactement, la manifestation 1.618 Sustainable Luxury se tient au Carreau du Temple à Paris. Parmi les thèmes abordés, l’empathie et le luxe via une intervention d'Emma Fric, directrice recherche et prospective au sein du cabinet Peclers (le dimanche 6 avril à 11h). Celle-ci livre en avant-première à Fashionmag.com ses réflexions.

Il y a plusieurs années, déjà beaucoup d’ailleurs, le symbole du luxe s’appelait le porno chic… Tom Ford célébrait à sa manière le corps de la femme et le monde s’extasiait. Et les griffes vendaient. Drôle d’époque à écouter aujourd'hui Emma Fric, la directrice recherche et prospective de l’agence Peclers qui scrute en permanence les évolutions sociologiques et comportementales de nous, chers humains, et de nos rapports aux tendances.
Pour celle-ci, aujourd’hui, le luxe ne peut se comprendre, et même s’accepter qu’en rapport avec la montée de l’empathie, ce sentiment que l’homme s’intéresse à l’homme, à la nature et au bien-être avant même l’objet de possession.
"L’empathie est une valeur montante, souligne Emma Fric, qui passe par l’hédonisme, le naturel, le technologique et l’imaginaire". Elle identifie derrière ces catégories des mots et des signifiants comme le désirable, le plaisir, le développement durable, l’environnement, l’éthique des innovations, les mythes et fantasmes, les nouvelles icônes…
Pour Emma Fric, même si le luxe, depuis son explosion sur les trente dernières années, a fait reposer son succès sur d’autres valeurs, il doit aujourd’hui reconsidérer sa manière d’aborder les consommateurs.
Un des critères qui conduit au changement, selon elle, c’est que le luxe, via le masstige, est aujourd’hui partout. "On est loin du désir de rareté", souligne-t-elle. En ajoutant même: "Cultiver cette rareté et le désir statutaire n’est plus suffisant aujourd’hui pour définir le luxe".
Parole d’observateur ou plutôt d’observatrice quelque peu naïve ? Certes pas, selon Emma Fric. Et d’ailleurs la directrice recherche et prospective de Peclers n’est pas la seule à relever l’importance prise aujourd’hui par des valeurs d’authenticité, d’altruisme, ces nouvelles valeurs qui montent.
"Cela prend deux orientations, souligne-t-elle, le monde du luxe se donne des valeurs plus éthiques que par le passé. En témoignent par exemple les actions du groupe de François-Henri Pinault, Kering, qui met en avant ses combats pour les femmes et pour la préservation des pythons. En témoigne la réunion qu’il a consacrée à ce dernier sujet ce lundi 31 mars.
Mais aussi les journées du patrimoine organisées par LVMH dont le but est de mettre en avant le savoir-faire des maisons de luxe. "Le luxe est en quête d’une attitude plus humaine", souligne Emma Fric. Poursuivant: "Le luxe aujourd'hui est d’abord un sujet pour soi plutôt qu’une affaire de standing", souligne-t-elle. Petit à petit, ces nouvelles valeurs se retrouveraient d'ailleurs dans la communication du luxe. Et de citer le retour à la nature que célèbrent les dernières publicités d’Hermès. Même si parmi les griffes, celle-ci n’a jamais vraiment tourné le dos… à l’humain d’une certaine manière !
En tout cas, si les griffes de luxe sont sans nul doute prioritairement à l’écoute du marché, et donc des attentes des consommateurs, elles entendent aujourd’hui que leur discours doit évoluer… Puisqu’il évolue. Sans doute l’occasion d’en discuter davantage à 1.618 Sustainable Luxury !
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