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27 nov. 2019
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Richard Teyssier (Puma France) : "La distinction entre performance et mode n’est pas manichéenne"

Publié le
27 nov. 2019

Directeur général de Puma France depuis 2012, Richard Teyssier vit pleinement la transformation de Puma, impulsée par le CEO Bjorn Gulden. Le Félin, qui vient de livrer ce 21 novembre une collection premium avec Balmain, est en route vers les 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires avec des croissances à deux chiffres et surtout une rentabilité qui s'améliore d'année en année. Alors que l'équipementier allemand a connu "le meilleur trimestre de son histoire" selon les termes de son patron, FashionNetwork.com a voulu connaître comment cette mue de Puma se conjuguait sur le marché français.


Richard Teyssier - Puma


FashionNetwork.com : Bjorn Gulden, le PDG (CEO) de Puma a présenté le dernier trimestre de Puma comme le meilleur trimestre de l’histoire de la marque. Quelle est la dynamique sur le marché français ?

Richard Teyssier :
Globalement, la marque est dans une phase de forte croissance. Depuis 2015, nous progressons. Je ne peux pas donner de détail spécifique sur le marché français. Mais au niveau européen, sur les neuf premiers mois de l’exercice, l’Europe progresse de 8 %. La croissance de Puma est de 16 % avec une poussée de 26 % en Asie. Ce bond asiatique est une très bonne nouvelle pour les développements de la marque.

FNW : Concrètement en Europe, quelle est la place de la France pour Puma ?

RT :
La France est, et a toujours été, un marché très important pour Puma, que ce soit en Europe comme dans le monde. Si vous regardez du côté de la performance, sur une catégorie majeure pour nous comme le football, les clubs de Ligue 1 ne jouent pas forcément les premiers rôles en Ligue des Champions, mais la France est championne du monde et les joueurs français jouent dans les meilleurs clubs de la planète. Et concernant le "sportstyle", la France donne le ton en matière de mode au niveau global.
 
FNW : Vous revendiquez des progressions plus fortes que le marché du sport et de la mode. Comment cela se traduit-il dans l’Hexagone ?

RT :
Selon les chiffres livrés par NPD Group, nous sommes en croissance de parts de marché sur tous nos segments clés. Au mois de septembre, nous avions une part de marché de 12 % sur la chaussure de football.

FNW : Il y a trois ans, vous étiez plus proche des 5 %, c’est bien cela ?

RT :
Exactement. Nous avons une croissance ininterrompue sur ce marché et cela traduit nos investissements dans la technicité de nos produits et en image. L’autre chiffre très intéressant pour nous c’est que nous sommes passés depuis le début de l’année numéro 2 sur le textile fitness pour femme. Cela signifie qu’entre un produit très performance, principalement pour l’homme, et une offre qui touche un spectre de clients beaucoup plus large avec un aspect plus mode, nous sommes sur les deux points en progression.

FNW : Lorsque Bjorn Gulden a pris la tête de Puma en 2013, un des messages était d’investir dans la performance. Qu’est ce que cela a signifié concrètement ?

RT :
La conviction que Bjorn Gulden a poussée et sur laquelle j’étais totalement aligné est que c’est la performance qui établit la crédibilité d’une marque. Sur ces cinq dernières années, nous avons clairement investi ce champ pour les catégories que nous avions identifiées comme prioritaires et notamment le football. Tous les six mois, nous amenons des innovations produits, qu’elles soient de rupture ou moins perceptibles. Et, en parallèle, sur le "sportstyle", nous allons beaucoup plus vite comme avec nos modèles de sneakers RS-X et Cali. Ils sont sortis l’an dernier et nous amenons des versions nouvelles avec la RS-X Softcase et la Cali Sport.


Puma RS-X - Puma


FNW : Sur le "sportstyle" justement, vous avez bénéficié de la vague Rihanna. Il n’y a pas eu la tentation de mettre de côté la performance ?

RT :
En fait, les deux choses étaient concomitantes. Cela a vraiment replacé Puma dans l’esprit des consommateurs, notamment d’une population plus jeune et féminine. La marque a souffert entre 2008 et 2014 et clairement nous avions un déficit de produits et d’image sur la performance. Il fallait réinvestir. Nous l’avons fait mais sans baisser l’investissement dans le "sportstyle". Rihanna a fait beaucoup de bien à la marque. Nous n’avons pas du tout été submergés et tous nos partenaires en ont bénéficié. La distinction entre performance et mode n’est pas manichéenne. Par exemple, pour le fitness, on sait qu’il y a une part de technicité mais aussi une forte importance du look. Et les performances du "sportstyle" ont aussi permis d’appuyer les développements performance.

FNW : Vous avez toujours des égéries, comme Selena Gomez. Mais actuellement ce sont les collaborations entre marques de luxe et géant du sport qui font la une des médias. Qu’en pensez-vous ?

RT :
Pour Puma, nous avons une superbe collaboration avec Balmain qui s’inscrit sur le long terme. Nous avons cette relation avec le luxe et les créateurs depuis très longtemps, notamment avec McQueen. C’est très important pour orienter la marque vers le haut. Mais c’est aussi une opportunité pour les équipes de s’ouvrir au niveau créatif. Sinon on risque de tourner en rond. Nous avons aussi des partenariats sur les sneakers.

Collaboration Puma x Balmain avec Cara Delenvigne


FNW : Justement, sur les sneakers, les deux leaders du secteur, Nike et Adidas, imposent un rythme de collaborations et de drops intense. Quelle est la stratégie de Puma sur ce segment ?

RT :
En France, nous avons chaque saison quatre collaborations stratégiques pour lesquelles nous travaillons avec un nombre restreint de magasins. Celles-ci s’inscrivent rarement sur plus de trois saisons. Mais cela répond à l’attente d’une clientèle experte et, encore une fois, cela inspire nos designers. Ensuite, nous avons des modèles iconiques sur lesquels nous travaillons des réinterprétations. Nous avons sans arrêt de l’innovation et nous avons aussi des capsules éphémères. Mais ce qu’il faut savoir c’est qu’entre 70 et 80 % des modèles sont des produits très installés qui sortent des archives.
 
FNW : Ces magasins pointus sont souvent indépendants. De manière globale, l’année a été assez compliquée en France dans la distribution, avec un effet « Gilets Jaunes » souvent cité. Comment se portent vos clients ?

RT :
Je ne porte pas de jugement sur les mouvements qui ont eu lieu en France, mais beaucoup de nos clients ont été embêtés sur la fin d’année dernière. En France, nous avons une présence dans 4 000 points de vente physiques et une relation très proche avec des clients comme Decathlon, Intersport, Sport 2000 et Go Sport dans le sport ou Courir dans le "sportstyle". Nous opérons sur des segments qui se développent. Tous les signaux sont au vert pour la fin d’année et je suis optimiste pour 2020. Certains indépendants souffrent face au poids des réseaux à l’enseigne et de l’e-commerce. L’un des challenges pour beaucoup est de rééquilibrer la part du physique et du digital.

FNW : Je vois régulièrement des ouvertures de magasins Puma en Asie. Vous avez ouvert récemment à New York sur la Cinquième Avenue. En France, vous n’avez pas de projet de développement de boutiques ?

RT : En Asie, l’activité se développe en propre ou via des partenaires avec des points de vente à l’enseigne. Dans l'Hexagone, nous avons un flagship à Paris et une dizaine d’outlets, mais notre stratégie est clairement axée sur le wholesale. Nous avons une organisation décentralisée, très proche du terrain. Lors de l’inauguration sur la Cinquième Avenue, notre CEO a aussi précisé que cela venait renforcer la stratégie de relation avec les partenaires en amenant plus haut l’expérience autour de la marque.

FNW : Lorsque les deux leaders du secteur renforcent leur réseau de vente en direct, et avec un Nike qui annonce vouloir travailler avec 40 grands comptes dans le monde, quelle est la stratégie de Puma ?

 RT :
Nous avons une exigence d’exposition qualitative dans les points de vente avec lesquels nous travaillons. Nous avons des contrats qui définissent cela. Mais nous avons une approche de partenariat qui s’exprime au quotidien. Je suis en relation avec les dirigeants de tous les grands comptes. Nous avons déployé ensemble des outils de trademarketing. Nous pouvons les aider sur le matériel de communication en magasin, mais nous les accompagnons aussi sur leur développement digital. Nous faisons des investissements en commun sur le marketing pour délivrer les meilleures campagnes. Nous partageons les données pour avoir des choix les plus pertinents possibles. L’ambition est d’être plus réactif, de générer de la valeur ajoutée.

FNW : Puma a clairement réinvesti dans le football. D’ailleurs, vous venez de prolonger votre accord d’équipementier avec le club allemand Borussia Dortmund. Aujourd’hui, en France, vous comptez l’OM. Comment vous positionnez-vous sur ce terrain par rapport à vos concurrents ?

RT :
  Nous ne sommes pas encore numéro 1 dans l’équipement des joueurs mais nous réalisons une forte progression. Nous sommes par contre l’équipementier qui compte le plus de clubs de Ligue 1. C’est un travail de longue haleine, qui a été rendu très visible avec la signature de l’OM l’an passé. Mais nous avons aussi Nîmes, que nous accompagnons depuis le National, Amiens et les deux clubs historiques de Bordeaux et Rennes. Nous développons la technicité des produits et renforçons le marketing. Nous avons cette saison réalisé une vidéo avec l’ensemble de nos clubs de Ligue 1 mais aussi avec le Montpellier Handball. J’essaye d’appuyer sur cette relation de proximité, la qualité de services et des outils marketing.


Esquisse du futur siège de Puma France à Strasbourg - Puma


FNW : Des chiffres ont récemment circulé. Rien que pour l'OM, ce seraient entre 300 000 et 400 000 maillots vendus selon les saisons. Est-ce rentable d’investir dans le football ?

RT :
Il y a plusieurs manières d’envisager cet investissement. Si vous prenez uniquement la vente de maillots, même si vous ajoutez les collections lifetstyle des clubs, ce n’est pas rentable. Mais le foot étant le sport le plus médiatique au monde, il y a de nombreuses retombées. Dès lors que l’on envisage la totalité de cet impact, cela prend du sens.

FNW : La marque avait axé son redéploiement dans le sport autour de grandes catégories, avec le football, le running, le training et le fitness et enfin le golf. Vous avez depuis relancé le basketball. Est-ce une offensive américaine ou cela concerne-t-il aussi l’Europe ?

RT :
C’est clairement un focus américain. Il était très important pour la marque de développer une offre forte sur l’un des trois sports phares des Etats-Unis, le basketball, le football américain ou le baseball. Le basket, c’était naturel car c’est un retour dans ce sport. C’est fait avec des investissements conséquents ; Jay-Z est à la tête de la catégorie. Les meilleurs joueurs de la draft (sorte de bourse aux joueurs de la NBA, ndlr) on été recrutés. C’est vraiment un investissement de long terme.

FNW : Et vous allez développer d’autres sports ?

RT :
Non, pas à ce jour. Nous avons déjà beaucoup à faire pour gagner sur les sports dans lesquels nous sommes présents et dans le "sportstyle".

FNW : En France, vous avez un projet de nouveau siège à Strasbourg. Qu’est-ce que cela va apporter ?

RT :
Puma France, c’est environ 200 personnes, dont la moitié au siège. Aujourd’hui, nous sommes à Illkirch et nous avons déjà un beau siège. Mais avec le nouveau siège, nous allons gagner en accessibilité. Nous serons dans le quartier du Wacken, dans un bâtiment magnifique, complètement en verre et traversant avec des plateaux paysagers bénéficiant de la lumière naturelle, une salle de sport. Nous allons avoir des conditions de travail au top. Si nous avions installé le siège à Paris, nous aurions perdu 80 % des collaborateurs et c’était impensable pour moi. Là, nous sommes à 1h45 de Paris. Nous offrons une qualité de vie, un équilibre entre vie professionnelle et vie perso à nos équipes.
 
FNW : A titre personnel, vous êtes en poste depuis 2012. Vous affichez un fort optimisme. Comment vivez-vous votre expérience chez Puma ?

RT :
La question est comment pourrais-je ne pas être optimiste ? Je suis dingue de sport, de tous les sports. Et j’adhère à 100 % à ce que Bjorn Gulden a voulu mettre en place. Je vis une superbe aventure. On est sur des marchés, le sport et la mode, qui parlent de plaisir. On continue d’investir, on grandit. Je ne peux que m’éclater !
 

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