Smuggler: le costume haut de gamme comme parade aux délocalisations

LIMOGES, 4 juin 2012 (AFP) - Le tailleur Smuggler, l'un des 20 représentants de la France au G20 des entrepreneurs, du 2 au 5 juin au Mexique, seul fabricant textile au label "origine France garantie", a sa recette antidélocalisations, alliant haut de gamme et suppression des intermédiaires.

"Produire en France, cela coûte beaucoup moins cher que ce que l'on peut croire et pour une qualité incomparable", explique à l'AFP Gilles Attaf, PDG de cette marque installée à Limoges, affirmant que son chiffre d'affaires, dont il ne dévoile pas le montant, a quasiment triplé depuis l'acquisition par ce fils de culottier, en 2001, de Smuggler.

Lorsque Gilles Attaf a racheté la marque qui s'est vu décerner en novembre le premier label "origine France garantie" en matière de vêtements masculins, elle "jouissait d'une bonne notoriété en Ile-de-France", se souvient-il.

Mais Smuggler stagnait, en se limitant au "moyen de gamme". Pour remonter la pente, Attaf décide alors de garantir une qualité supérieure en travaillant en France à des prix concurrentiels grâce à la suppression des intermédiaires.

Smuggler ne passe plus par ces agents qui transmettent les ordres des marques et prennent des commissions au passage, ni par des revendeurs. La marque fixe elle-même ses prix et se vend exclusivement dans ses onze magasins.

Sans intermédiaires, "l'avantage est aussi de permettre une plus grande souplesse et une bien meilleure réactivité sur le marché", dit-il: face à des concurrents qui travaillent avec des calendriers deux ans en avance "nous pouvons nous permettre un prévisionnel sur trois mois".

Pour la qualité, le patron s'associe à France Confection, atelier de Limoges désormais allié au sein de la holding ABCD Partners.

France Confection emploie alors une trentaine d'ouvrières, et travaille à 50% pour des marques de boutique et à 50% pour les administrations dont il confectionne les uniformes (SNCF Accueil, Air France, RATP...).

Des compétences difficilement remplaçables

Son patron Serge Bonnefont et Gilles Attaf se concentrent sur le haut de gamme en faisant évoluer la "main", si bien que l'atelier travaille aussi aujourd'hui pour des marques prestigieuses comme Pierre Balmain, Paul&Joe et Agnès B.

"Le fait d'avoir fait évoluer la main, dit Serge Bonnefont, nous a permis d'être capables de nous adapter à tous les produits et d'assurer une stabilité à nos commandes puisque notre savoir faire est difficile à trouver ailleurs".

"Aucun atelier délocalisé ne peut se vanter d'avoir parmi ses salariés des gens qui ont cinquante ans de connaissance de l'industrie textile derrière eux", témoigne aussi Gilles Attaf.

Aurélie Arnaudon, chargée de mission pour le Groupement des entreprises du luxe et de l'excellence en Limousin, souligne quand à elle le bel avenir de ces "marchés de niche", dont la région s'est fait une spécialité.

"Ces marchés (ganteries, maroquinerie, haute-couture, art de la table, émaux...) sont pérennes car les compétences qu'ils exigent sont difficilement remplaçables", dit-elle.

"Ces savoir-faire anciens, sont petit à petit sortis de l'ombre tout simplement parce que les façonniers ont de plus en plus de mal à trouver des ateliers qui ont encore ces +mains+ d'expérience", poursuit-elle.

Côté produits, Smuggler peut aujourd'hui proposer un costume complet à partir de 500 euros.

Sur ses 150 salariés, la holding formée par Smuggler et France Confection compte 120 travailleurs sur les seuls pôles création et production et sort environ 20.000 costumes par an dont 40% sont sur-mesure.

La fabrication est 100% française et les 30% de pièces d'autres pays (boutons, fils, tissus), viennent d'Allemagne et d'Italie.

Un pari réussi pour chacun des partenaires: "En s'associant à Smuggler, l'atelier a gagné l'indépendance qui lui manquait", assure M. Bonnefont qui emploie 120 personne, contre 30 il y a douze ans.

Par Julie CARNIS