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Clémentine Martin
Publié le
28 mai 2018
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Sneakers : l'arrivée des marques de luxe fait flamber les prix

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Reuters API
Traduit par
Clémentine Martin
Publié le
28 mai 2018

Qu’obtient-on lorsque le luxe rencontre l’univers du sport ? Des sneakers qui passent allègrement la barre des 8 500 euros. Les marques de luxe comme Gucci (groupe Kering), Prada et Balenciaga sont de plus en plus tentées de miser sur le juteux marché des sneakers haut de gamme pour doper leur croissance. Plus qu'une concurrence avec les acteurs historiques du sportswear que sont Nike, Puma et Adidas, c'est tout le segment qui est en plein essor. Reste que la concurrence fait rage et les modèles rivalisent d’audace et de zéros sur l’étiquette.


Les éditions limitées se vendent facilement à plus de 10 000 dollars, comme la Chanel X Pharrell Hu Race Trail sur la photo


Les marques de luxe misent sur des investissements et des budgets marketing plus importants. « Lorsque je me suis rendu compte que les sneakers allaient monter en puissance, j’étais plutôt réticent », reconnaît Paul Andrew, le designer de Salvatore Ferragamo. « Aujourd’hui, nous effectuons des investissements massifs dans cette catégorie et collaborons avec des spécialistes. »

Les ventes globales de sneakers ont augmenté de 10 %, à 3,5 milliards d’euros, l’année dernière, surpassant la hausse de 7 % des sacs à main, selon le cabinet Bain & Co. « Ce n’est même plus vraiment ce qu’on peut appeler une tendance. Maintenant, c’est une catégorie », rectifie Bruce Pask, directeur du département homme du grand magasin américain Neiman Marcus.

Et ni les groupes de luxe ni les marques de sport n’ont l’intention de faire l’impasse sur ce marché en pleine expansion. Les sneakers haut de gamme commencent autour de 350 euros, mais peuvent facilement passer la barre des 2 500 euros, comme c’est le cas par exemple d’une paire de sneakers Louboutin en cuir ornées de cristaux.

Les éditions limitées, quant à elles, peuvent aller chercher au-delà des 8 500 euros, comme c’est le cas de la Chanel X Pharrell Hu Race Trail ou de la Nike Air Jordan 3 Retro DJ Khaled Grateful.

Les sneakers sont actuellement l’une des forces motrices de l’industrie de la chaussure de luxe, catégorie à la croissance la plus rapide de l’industrie de la mode, selon le cabinet EY. Cette popularité grandissante des sneakers de luxe s’inscrit dans la tendance toujours plus prégnante d’une mode de luxe plus casual, allant chercher ses influences dans le streetwear, qui s’autorise maintenant le costume avec une paire de baskets.

Les marques haut de gamme regardent du côté du streetwear pour renouveler leurs looks et les jeunes acheteurs sont les instigateurs du changement. Les millenials, nés entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990, représentent déjà un tiers du marché du luxe, selon Bain.

Plusieurs directeurs de groupes de luxe ont récemment souligné l’importance des sneakers pour leur activité et la nécessité de miser plus sur ce secteur pour combattre la concurrence grandissante.

Selon Emilio Macellari, le directeur financier de la société de luxe italienne Tod’s, pionnière du secteur avec son modèle de luxe Hogan lancé en 1986, « aucune marque aujourd’hui ne fait l’impasse sur son offre (de sneakers) ». Changement du marché oblige, il souligne que les marques de luxe doivent maintenant « subir les assauts » des marques de sport, en plus de la concurrence habituelle des autres labels premium.

Mais cette « sneakerisation » pourrait voler des parts de marché aux marques de chaussures plus traditionnelles et classiques, affirment les analystes du secteur. « Après plusieurs saisons de chaussures confortables, il va être difficile de convaincre les femmes de repasser aux talons », pointe Federica Montelli, directrice du département mode du grand magasin milanais La Rinascente.

Cuir de serpent et marges dopées

Dans le centre de Milan, une paire de Air Jordan 5 Retro Premium noires montantes (Nike) se vend à plus de 400 euros. Quelques mètres plus loin, dans l’une des rues les plus chères de la ville, les clients peuvent s’offrir une paire de sneakers Gucci ornées du logo GG et d’un détail en cuir de serpent bleu pour 450 euros.

La triple S de Balenciaga, l'un des modèles fer de lance de cette tendance sneakers de luxe - Balenciaga


« Ce qui a changé, c’est la concurrence : maintenant, plusieurs univers se chevauchent clairement », analyse Claudia D’Arpizio, associée chez Bain & Co. « Les clients du luxe achètent Adidas et Nike et vice versa ». Ilaria, une jeune vendeuse de la boutique de streetwear milanaise One Block Down, raconte que de nombreux clients arrivent avec des sacs venant des boutiques de luxe alentour.

Les groupes de sport, eux, affirment ne pas être préoccupés par cette concurrence. « Si (les groupes de luxe) se mettent au sport… ça ne peut être que positif », sourit le directeur en chef de Puma, Bjorn Gulden. « Si c’est une tendance qui tire le marché de la sneaker vers le haut, on ne peut que s’en réjouir. »

Les analystes affirment aussi que cette concurrence accrue ne devrait pas porter préjudice aux marges, puisque le marché est en pleine expansion. « Les prix ne sont pas encore arrivés à leur niveau maximum », confie Erwan Rambourg, de HSBC. « La “luxurisation” des sneakers ne peut qu’avoir un effet bénéfique sur les marges. »

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