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7 juil. 2004
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Sociologie de la Mode

Publié le
7 juil. 2004

Marc-Alain Descamps auteur de Psychosociologie de la Mode
Les sociologues de la mode distinguent 4 groupes d’individus : 1) Les « lanceurs » (5%). Créateurs, mannequins, vedettes, artistes, snobs, ils portent ce qui a au moins trois mois d’avance. Leur comportement vise à manifester leur appartenance à l’élite. Ils ont conscience de ne pas être seul, mais d’appartenir à un clan, à un groupe qui doit sans cesse se distinguer de la masse. Il s’agit d’être ceux dont on parle, d’être le point de mire de tous les autres. Il y a une joie – et un impérialisme – à forcer les autres à vous imiter. Mais ce groupe est autodestructeur : comme ce qu’il cherche, c’est être imité et diffusé, aussitôt que cela se réalise il doit à nouveau se distinguer par une « nouvelle » mode. Cette fuite en avant vers la nouveauté est aussi ce qui tire en avant le marché. 2) Les « suiveurs » ou « à la mode » (20 %). Ils se recrutent parmi les couches aisées de la société. Le plus souvent jeunes, parvenus et avides de séduire, ils portent ce qui vient de sortir. Mais ce groupe est ambigu : il cherchent à la fois à se faire remarquer par leur élégance tout en passant inaperçu, à l’instar de Brummell pour lequel « la véritable élégance ne se remarque pas ». Les individus qui composent groupe revendiquent leur appartenance à l’élite sociale, même si leurs moyens réels demeurent par ailleurs assez en deçà du pouvoir d’achat de la classe dirigeante. 3) Les « classiques » (60 %). Ils portent ce qui est devenu classique, un an ou deux après leur sortie dans le commerce. L’adoption d’une mode par ce groupe signifie sa fin ultime. Car une approche vestimentaire esthétique adoptée par une majorité de la population n’est plus une mode, mais un conformisme. Désormais, il va falloir inventer « autre chose ». L’adoption par le grand public d’une mode tue ce qu’elle pouvait avoir de nouveau et de d’innovant. 4) Les « hors mode » (15%). Ce groupe est surtout composé de personnes à revenus modestes, qui portent ce qui a au moins 5 ans de retard. Ils n’ont que faire du regard des autres et s’inscrire dans un courant esthétique n’est pas leur préoccupation. De la différenciation à la démocratisation Autrefois, le vêtement reflétait la position sociale. Les révolutionnaire de 1789 qui acceptèrent de se définir comme « sans culottes » avaient très bien compris que le renversement de la noblesse passait aussi par le refus du costume brodé, de la perruque et des bas blancs. Au XIXème siècle, pour se distinguer de la classe ouvrière portant casquette et vêtement de toile ou de grosse laisse, la bourgeoisie imposera le chapeau haut-de-forme et l’habit noir comme étant la marque d’une appartenance au parti de l’ordre. L’important étant de pouvoir, par la vertu de son seul vêtement, manifester son appartenance à la classe dirigeante. Aujourd’hui, comme la notion de « luttes de classes » s’est beaucoup amoindrie, la mode s’est en quelque sorte démocratisée. Quand les barrières sociales tombent, les privilèges vestimentaires n’ont plus cours. Désormais, les salopettes ouvrières, les pulls « camionneurs », les débardeurs sont adoptés par l’ensemble de la société comme des vêtements véhiculant une recherche de confort et non plus d’appartenance sociale. Les 10 lois de la mode Selon Marc-Alain Descamps, qui enseigne la Psychologie Sociale à Paris V, et auteur d’une Psychosociologie de la Mode, celle-ci semble obéir à 10 lois : 1)Toute mode reflète directement le niveau technologique d’une société. Exemple : la mode des collants féminins n’est possible que par l’extrême avancée de l’industrie du nylon. 2)Les conditions de vie influencent les modes vestimentaires. Ainsi l’exiguïté des conditions de transports en commun a entraîné la disparition des chapeaux. 3)Une mode qui dure reflète une société stable. 4)Un changement de mode correspond à un changement sociale ; 5)L’accélération de la mode correspond à l’accélération des changements sociaux. 6)L’existence d’une seule mode dans une pays s’explique par une société égalitaire. 7)La coexistence de plusieurs modes dans un pays peut signifier une non-communication entre classes sociales. 8)La classe au pouvoir cherche à régir la mode, mais la mode s’inspire des classes montantes. 9)Le costume des groupes (femmes, jeunes…) reflète leur statut et leur condition sociale. 10)On s’inspire toujours de la mode des pays vainqueurs. La mode, plus forte que l’économie Quant à la mode des jeunes, qui se définit toujours par indifférence de ce que décident les « prescripteurs autorisés », elle témoigne de la puissance de la mode, qui est un phénomène social total, affirmant la liberté des individus face au système économique qui tend à tout récupérer. Et quelle plus belle démonstration de liberté que l’ensemble jeans-teeshirt-tennis, véritable uniforme mondial de la planète jeune ! Mickaël Laustriat

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