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1 déc. 2010
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Sylvie Deschamps, une maître-brodeuse qui vaut de l'or

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1 déc. 2010

ROCHEFORT (Charente-Maritime), 1 déc 2010 (AFP) - "Brodeuse d'or, c'est très pointu, on travaille au demi-millimètre près. C'est un métier de passion": récemment promue Maître d'Art, Sylvie Deschamps dirige à Rochefort le Bégonia d'Or, unique atelier en France à perpétuer l'art de la broderie au fil d'or.

"Tout ce qui brille m'attire comme un aimant. Et j'adore la matière, j'aime la bidouiller, la trifouiller", s'amuse cette petite blonde énergique de 39 ans, au regard bleu encadré par des lunettes siglées.

Mercredi dernier, aux côtés de onze professionnels d'excellence, elle a reçu à Paris du ministre de la Culture Frédéric Mitterrand le titre de Maître d'Art, une distinction qui récompense les artisans d'exception.

La consécration pour cette mère de deux filles de 11 et 13 ans, pacsée avec un cuisinier et que rien ne prédisposait à la broderie d'or.

Originaire des Deux-Sèvres, fille d'un plombier-chauffagiste et d'une mère au foyer, elle songeait plutôt à s'orienter vers la lingerie fine.

Mais en 1986, au lycée professionnel Gilles-Jamain de Rochefort où elle comptait s'inscrire, la section venait de fermer: "la conseillère d'orientation m'a dit d'essayer la broderie d'or. A peine avais-je touché le fil d'or que j'avais déjà l'amour de la matière", se souvient-elle.

Trois ans plus tard, son diplôme en poche, elle file à Lyon où elle fait ses armes pendant six ans avant de revenir à Rochefort fin 1995 pour prendre les rênes du Bégonia d'Or, un petit atelier créé par la proviseure du lycée Jamain afin d'en faire un lieu de stage pour ses élèves.

En quelques années, Sylvie Deschamps en fera un lieu d'excellence, très prisé des grandes maisons telles Givenchy, Chanel, Dior ou encore le chausseur John Lobb.

La spécialité du Bégonia d'Or ? Le cannetille, un fil d'or en spirale. "C'est notre fil de prédilection. Il est difficile à travailler, la précision est au demi-millimètre près. Il se pose comme une perle", explique Mme Deschamps. "La plupart du temps, nous utilisons du 12 carats", le fil 24 carats, plus cher à l'achat, n'étant employé que pour des commandes spéciales.

Récemment, les trois brodeuses du Bégonia ont ainsi travaillé sur les canapés Philippe Starck qui meublent la Cristal Room de Moscou ainsi que sur une tenture du designer Philippe Cramer, actuellement exposée au Musée d'art et d'histoire de Genève.

Au total, des centaines d'heures de travail pour les trois brodeuses salariées du Bégonia d'Or qui oeuvrent quotidiennement sur leur métier dans une ambiance studieuse: "C'est une activité zen: quand on l'exerce, cela tient du yoga", sourit Mme Deschamps.

Mais, après des années fastes entre 2000 et 2004, l'activité de l'atelier s'est tarie, beaucoup de clients choisissant de délocaliser leurs commandes de broderie. Résultat: "Depuis plus de deux ans, nous connaissons une crise sans précédent", confie Mme Deschamps.

"Il faut vraiment être passionné. On est assis sur rien du tout. Enfin si, en ce moment, sur le fil du rasoir", grince la brodeuse, avant d'ajouter aussitôt: "Mais la passion fait parfois soulever des montagnes".

Une "passion" qui, couplée aux nouveaux lauriers de Maître d'Art récoltés par sa patronne, pourrait permettre au Bégonia d'Or de se relancer, par exemple en développant des activités comme l'héraldique, l'art liturgique ou encore la décoration intérieure, explique Sylvie Deschamps.

"Il y avait d'autres ateliers en France mais ils ont dû arrêter. Seules une grande passion et une grande motivation permettent de ne pas baisser les bras".

Par Damien STROKA

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