
Matthieu Guinebault
21 juil. 2022
Transparence: quels sont les angles morts de la filière mode ?

Matthieu Guinebault
21 juil. 2022
Le Transparency Index dresse la liste des entreprises de mode les plus investies dans la responsabilité sociale et environnementale (lire notre article dédié). Mais il donne également un aperçu des sujets RSE pour l'heure encore peu ou pas abordés par la filière, et qui devraient à terme prendre de l'importance dans la construction d'une filière durable et équitable.

Quelque 250 grandes marques internationales ont été sollicitées pour cet index. 62% d'entre elles ont complété le questionnaire, contre 37% n'y ayant pas répondu et 1% ayant tout simplement refusé de participer à l'enquête. Il en ressort au final qu'un grand nombre de sujets ne sont encore que marginalement ouvertement abordés par les répondants. Dont peu sont par ailleurs en mesure, ou enclins, à faire remonter des informations spécifiques concernant leur chaine d'approvisionnement ou pratiques commerciales.
C'est notamment le cas pour le "ring-fencing", pratique d'achat par laquelle un donneur d'ordre sanctuarise le coût du travail afin qu'il ne soit pas affecté par les négociations. Pour l'heure, seules 4% des marques évoquent leur méthode de "ring-fence". Et seules 2% indiquent le nombre de commandes où cette séparation entre négociation et salaires est intervenue.
Les marques ne sont en outre que 35% à stipuler leur approche des "frais de recrutement", pratique par laquelle des fabricants font payer de fortes sommes à leurs nouveaux salariés (souvent au motif de formation ou équipement). Salariés qui s'endettent parfois ainsi sur plusieurs années auprès de leur employeur. Dans le détail, seuls 6% des répondants sont en mesure ou disposés à communiquer le nombre de travailleurs concernés par cette pratique chez leurs fournisseurs. Ils sont en revanche 24% à publier leurs données concernant le risque d'esclavage moderne dans leur chaine d'approvisionnement
Concernant le salaire vital ("living wage"), autour duquel une coalition vient de lancer une campagne européenne, les entreprises ne sont que 27% à spécifier leur rapport à ce salaire minimum de subsistance (à ne pas confondre avec le salaire minimum légal). Seuls 4% des répondants indiquent de combien le salaire des ouvriers de leurs fournisseurs dépasse les salaires minimums légaux locaux.
Genre, ethnicité et sur-production
Les questions d'ethnicité semblent également à la traine. Si les marques sont 34% à publier leurs données sur les écarts salariaux homme/femme dans leur chaine d'approvisionnement, seules 3% le font concernant les écarts par ethnicité. Elles sont un peu plus (8%) à indiquer mener des actions axées sur la promotion de l'égalité raciale et ethnique chez leurs fournisseurs.

Du côté de la lutte contre la surproduction, il ressort que seuls 15% des répondants spécifient les quantités d'habillement qu'ils produisent annuellement. Quant à la durée de vie du produit, il ressort que 20% des marques offrent désormais des services de réparation. La location d'habillement ou la revente de produits de seconde main serait désormais embrassée par 21% du panel.
Matériaux, émissions et pollution des eaux
Plus investies sont en revanche les marques sur le front des matériaux. Pas moins de 45% d'entre elles font état de stratégies mesurables et limitées dans le temps concernant le recours à des matériaux durables. Un chiffre cependant à prendre avec prudence: elles sont moins nombreuses (37%) à définir clairement ce qu'elles considèrent comme un matériel durable.
Du côté de l'impact climatique, ce sont pour l'heure 29% des marques qui publient un objectif chiffré de décarbonation vérifié par l'initiative Science-Based Targets, dispositif adossé à l'ONU et au World Wide Fund for Nature. En revanche, 65% des marques publient désormais annuellement une analyse d'impact carbone de leurs activités propres (magasins, bureaux…). L'angle mort se porte dans ce domaine vers l'impact carbone des matériaux utilisés chez leurs fournisseurs, dont seules 22% des marques publient les données. Seuls 14% des répondants font en outre état d'un engagement mesurable concernant la lutte contre la déforestation.

Du côté de la pollution des eaux, et des rejets occasionnés par transformation, teinture et autres lavages, il ressort un nouveau chiffre surprenant: à l'étape des matières premières, seules 4% des marques sont en mesure ou disposées à publier les données d'impact sur l'eau. Elles sont en revanche 27% à avoir pris des engagements concernant l'élimination des recours à des produits chimiques dangereux pour l'environnement.
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