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Attila Kiss (Gruppo Florence): "Notre objectif est de pouvoir répondre à n’importe quel type de demande"

Publié le
25 mai 2022

En 18 mois, Gruppo Florence a agrégé douze entreprises du made in Italy pour créer un pôle de production dans le segment du luxe, auxquelles devrait s’ajouter sous peu une treizième. L’opération, en cours de finalisation, devrait concerner la réalité spécialisée dans l’habillement très haut de gamme de l’entrepreneur textile des Pouilles Luciano Barbetta. Le CEO du groupe, Attila Kiss, explique à FashionNetwork.com le modèle de business inédit et vertueux de cet agrégateur d’excellence, qui devrait dépasser les 400 millions d’euros d’ici à fin 2022 et entend se coter en Bourse en 2023.
 

Attila Kiss, le CEO du pôle de luxe - Gruppo Florence


 
FashionNetwork.com: Plusieurs entités comme la vôtre ont vu le jour ces derniers temps.

Attila Kiss: 
La pionnière a été Chanel avec ses métiers d’art. Ils ont compris les premiers que la filière de production d’un certain niveau devait être préservée. Puis, il y a eu les fonds d’investissement, notamment dans le secteur de la chaussure. En général, ils acquièrent la majorité et laissent une part minoritaire aux entrepreneurs fondateurs. Nous rentrons dans la troisième catégorie, celle où le regroupement est un peu plus industriel, l’investisseur cherchant une majeure cohésion entre les entreprises qu’il agrège.

FNW: Qu’est-ce qui vous différencie par rapport aux autres ?

AK:
Nous demandons aux entrepreneurs d’investir dans notre groupe. En général, nous rachetons les entreprises à 100% et les familles fondatrices réinvestissent une partie de la vente en entrant dans le Gruppo Florence, dont elles détiennent ensemble 35%. Ce passage est primordial, car il amène les entrepreneurs à raisonner en tant qu’actionnaires de l’ensemble du groupe. Ils ont des objectifs totalement communs. Cette différence est fondamentale.

FNW: Quelle approche avez-vous avec les entreprises que vous rachetez ?

AK:
Nous ne voulons pas dénaturer nos entreprises. Nous souhaitons préserver avant tout leur caractère familial et local, car c’est un atout. Ces familles sont ancrées dans le territoire. Les relations avec leurs employés se font sur la base de la culture locale, porteuse de traditions et savoir-faire. Il y a chez elles et les personnes qui travaillent à leur côté un fort sens d’appartenance. Elles sont en général passionnées et possèdent une vraie attention au produit, qui leur permet chaque saison de résoudre les mille et un problèmes et défis posés par la réalisation d’un produit. Il y a une culture d’attachement au détail en Italie.

Bientôt cinq entreprises en plus dans le portfolio



FNW: Comment choisissez-vous ces entreprises ?

AK:
Elles doivent avoir bien sûr un bilan solide, des clients haut de gamme et des dirigeants prédisposés pour travailler en groupe. Le plus important est de préserver l’harmonie au sein de notre structure. Ces entreprises doivent aussi être complémentaires et rentrer dans une stratégie industrielle globale. Nous essayons de couvrir toutes les typologies de produits, des pièces à manches au jersey, la maille, le flou, etc. L’objectif est de pouvoir répondre à n’importe quel type de demande et de trouver toutes les solutions possibles.
 
FNW: Comment êtes-vous né ?

AK:
A l’origine, il y avait trois entreprises, qui souhaitaient se rapprocher. En 2020 se sont greffés au projet trois investisseurs importants, et ensemble ils ont fondé Gruppo Florence. Il s’agir du fonds VAM Investments, contrôlé par Francesco Trapani (40%), Fondo Italiano d'Investimento (40%) et Italmobiliare (20%). Ils représentent à eux trois une telle solidité, que cela a permis au groupe de grandir rapidement. Nous sommes présents du nord au sud de l’Italie, dans une douzaine de régions, avec un total de 1.000 employés, qui monteront à 2.000 d’ici à fin 2022 et nous prévoyons de dépasser les 400 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022.

FNW: Vous avez d’autres acquisitions en vue ?

AK:
D’ici à l’été, cinq entreprises devraient nous rejoindre, dont pour la première fois un fabricant de chaussures. Nous voulons ensuite nous concentrer sur des acquisitions ciblées dans différents types de traitements, comme le lavage, la teinture, l’impression, la sérigraphie, la broderie.

FNW: Comment fonctionne votre modèle ?

AK:
Nous avons une structure centrale flexible, qui s’occupe de trouver les synergies entre nos entreprises, mais ces dernières gardent leur fonctionnement autonome. Elles émettent directement les factures à leurs clients, tandis que la trésorerie et la partie administration-finance sont centralisées. Ce système nous permet d’être attractifs pour recruter des talents. Sur le digital, par exemple, nous avons un super expert, qu’individuellement nos entreprises n’auraient jamais pu s’offrir. L’idée n’est pas de refaire tout le système informatique, mais d’élever le niveau de performance pour que tous soient au top.


Frediani, spécialisée dans le modélisme, est l’une des dernières acquisitions du groupe - Fredianisrl.it - @gruppoflorence


FNW: Sur quelles autres synergies travaillez-vous ?

AK:
Nous avons essayé de mélanger certaines compétences pour créer des produits mixtes, par exemple cuir et maille ou denim et jersey. Nous organisons aussi régulièrement des rencontres entre les différents développeurs de produits pour stimuler les échanges et partager les connaissances. Si nos entrepreneurs et leurs équipes se connaissent entre eux, les collaborations seront plus fluides. Pour nos clients, c’est un atout. Au lieu de chercher deux fournisseurs différents, qui ne se connaissent pas, ils trouvent chez nous les différentes compétences avec des personnes qui travaillent déjà ensemble. Et cela est ensuite beaucoup plus facile.

FNW: Vous êtes combien au siège central ?

AK:
Une poignée. Nous grandissons au fur à mesure des capacités du groupe. Nous avons débuté avec un directeur des opérations, qui a réorganisé les transports et rationalisé certains processus, tandis que le directeur des ressources humaines n’est arrivé que cette année. Nous avons aussi quatre personnes dédiées au développement durable. Plus le corps grandit, et plus la tête peut croître. Les améliorations et efficiences apportées aux entreprises à travers notre structure ne se traduisent pas par une plus grande marge, mais par un service plus élevé. Grâce aux volumes, nous pouvons améliorer les services et les élargir, sans augmenter les prix. Début 2023, nous allons ouvrir notre siège à Milan. Jusqu’ici, nous étions dans une structure flexible.
 
FNW: Comment qualifiez-vous votre mode de gestion ?

AK:
Nous avons une approche assez expérimentale, qui n’existe pas ailleurs. Nous gérons des entrepreneurs et non des managers. C’est une manière de travailler totalement différente. C’est une innovation en termes de gestion et d’organisation. La partie créative et de développement du produit doit rester aux mains des entreprises, le groupe ne peut guère ajouter de la valeur en ce domaine. Il peut en revanche améliorer la partie plus productive, par exemple à travers la digitalisation de la production et de la planification, ou via le développement du 3D, car il a une capacité d’organisation. On est là pour aider les entreprises à mieux performer. Pour 2022, nous allons investir 10 millions d’euros, en particulier dans la recherche pure et l’innovation.

Objectif Bourse



FNW: Qui sont vos clients ?

AK:
Pratiquement toutes les maisons de luxe. Certains de nos clients ont des relations historiques avec nos entreprises et ce rapport continue indépendamment du fait qu’elles aient intégré le Gruppo Florence. Nous ne sommes pas là pour proposer des paquets d’offres. Les clients vont vers les entreprises qui les intéressent. Certes, nous commençons à nous faire connaître et à jouir d’une réputation. Il arrive ainsi que des maisons s’adressent directement au groupe demandant laquelle de nos entreprises peut résoudre des problèmes précis.

FNW: Comment se porte la filière de la production de luxe italienne ?

AK:
Elle est soumise à différentes menaces. Les petites entreprises n’ont plus la capacité d’affronter toutes seules les défis actuels de l’industrie, tels la digitalisation, le développement durable, les problèmes liés au risque de réputation, etc. les marques sont de plus en plus exigeantes envers les PME et pour maîtriser tous ces éléments il faut une organisation. L’autre grande menace est la perte de la main d’œuvre spécialisée. Les jeunes ne veulent plus faire ces métiers et les savoir-faire se perdent. Il y a par ailleurs en Italie un grand problème quant au passage générationnel. Il y a un vrai risque que disparaisse cette filière d’excellence telle que la connaissent aujourd’hui les maisons.

FNW: Comment comptez-vous gérer ce passage de générations au sein de vos entreprises ?

AK: 
Ce passage ne se fera pas à travers un changement de management. Je travaille déjà avec les deuxièmes générations. Nous avons mis en place pour les enfants de nos entrepreneurs un ample projet de formation à 360 degrés, du point de vue managérial avec des cours communs, mais aussi en leur faisant faire des expériences dans les autres entreprises du groupe.

FNW: Quels sont vos prochains projets ?

AK:
Nous envisageons de nous coter en Bourse d’ici à fin 2023. A plus court terme, nous planchons aussi à un partenariat avec l’Académie de beaux-arts de Brera pour une série de projets. Le monde vit de créativité. C’est important.
 

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