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Yves Saint Laurent, l'un des couturiers majeurs du XXe siècle, s'est éteint

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1 juin 2008


Yves Saint Laurent en 2002 - Photo : Eric Feferberg/AFP
PARIS, 31 mai 2008 (AFP) - Yves Saint Laurent, décédé dimanche 1er juin à l'âge de 71 ans, restera l'un des couturiers majeurs du XXe siècle pour avoir "donné le pouvoir" aux femmes en imposant une nouvelle garde-robe, où l'ultra-féminin se mêle au masculin, la haute couture au tailleur-pantalon.

Né le 1er août 1936 à Oran (Algérie), Yves-Mathieu Saint-Laurent arrive à Paris à l'âge de 17 ans, ses croquis sous le bras. Un an plus tard, il devient l'assistant de Christian Dior, le couturier le plus célèbre du moment, et simplifie son nom en Yves Saint Laurent. Le décès brutal du maître en octobre 1957 le propulse directeur artistique.

Dès son premier défilé, le 30 janvier 1958, les clientes et la presse s'enflamment pour le jeune couturier, myope et timide qui se cache derrière de grandes lunettes, et pour ses créations. Sa ligne "Trapèze", en rupture avec les tailles de guêpe de l'époque, fait un triomphe.

En 1960, Yves Saint Laurent est appelé sous les drapeaux mais réformé pour raisons de santé. Il fait une dépression nerveuse. Entre-temps, la maison de l'avenue Montaigne l'a remplacé par un autre créateur, Marc Bohan.

Saint Laurent ouvre sa propre maison en 1961, au 30bis rue Spontini à l'orée du Bois de Boulogne puis au 5 avenue Marceau, avec l'aide de Pierre Bergé, qui va jouer un rôle essentiel dans sa vie, privée et professionnelle : au premier la création, au second la gestion.

La griffe sera rachetée une première fois en 1993 par Elf-Sanofi, puis en 1999 par le groupe Gucci (filiale de PPR). Seule la haute couture dessinée par M. Saint Laurent restait au 5 avenue Marceau avant l'arrêt de l'activité en 2002.

Champion du dépouillement des lignes, le couturier pour qui le noir est "refuge", deviendra aussi un maître du jeu des couleurs.

Féru de peinture et grand collectionneur, il a souvent parlé de sa passion en transposant des tableaux en modèles de robes ou de vestes : Mondrian (1965), Picasso (1979), Matisse (1981) ou Van Gogh (1988). Les voyages seront une autre de ses inspirations (Afrique en 1967, Russie en 1976, etc..)

En 1971, c'est le "scandale" avec sa collection "40", en référence aux années noires de la guerre qui ne passe pas auprès d'une des plus grandes chroniqueuses américaines. La même année, Saint Laurent pose nu sur les publicités pour le lancement de son parfum "Homme". Six ans plus tard, il lance "Opium", autre scandale, autre triomphe.

Parallèlement, ce passionné d'opéra et de théâtre, dessine des décors et des costumes pour des pièces ou des spectacles signés Edmond Rostand, Marguerite Duras, Jean Cocteau ou Roland Petit.

Yves Saint Laurent, qui a créé sa maison de haute couture au tout début des années 60, a rajeuni les codes de la couture et créé son style, basé sur la nécessité d'adapter le vestiaire des femmes à leur époque : tailleur-pantalon, caban, saharienne ou smoking, une de ses pièces fétiches.

Coco Chanel "a libéré les femmes. Ce qui m'a permis, des années plus tard, de leur donner le pouvoir et d'une certaine manière, de libérer la mode", avait expliqué Yves Saint Laurent lors de ses adieux à la haute couture en 2002. "J'ai voulu les accompagner dans ce grand mouvement de libération que connut le siècle dernier", avait-il ajouté.

Yves Saint Laurent, que Chanel avait désigné comme son héritier spirituel, "a simplifié la mode pour l'adapter aux nouveaux modes de vie", souligne Laurence Benaïm, auteur d'une biographie du couturier (Grasset 1993).

Pour Florence Müller, professeur à l'Institut Français de la Mode, "là où il est le plus proche de Chanel, c'est dans l'invention d'une garde-robe, d'un système vestimentaire qui correspond aux besoins d'une femme moderne (...) Un rapprochement qui peut être fait entre les années 20 et les années 60 de Saint Laurent, c'est la recherche d'un vêtement qui dégage le corps, qui lui donne plus de liberté", ajoute-t-elle.

"Il est le premier à avoir mis les femmes en pantalon, le premier à les avoir mises en smoking, le premier à leur avoir fait porter la panoplie masculine, le premier à avoir employé des mannequins noirs", rappelle lundi Pierre Bergé, avec qui Yves Saint laurent a fondé sa maison de couture en 1961.

Le couturier s'inspire de personnages "comme Marlène Dietrich qui dès 1930 porte des smokings et des complets qu'elle se fait faire chez des tailleurs pour homme et qui malgré cela reste totalement femme", expliquait récemment à l'AFP Mme Müller.

Dans un documentaire télévisuel signé David Teboul (2002), Yves Saint Laurent lui-même soulignait : "mon vrai style, je l'ai puisé dans la garde-robe d'un homme. J'avais remarqué que les hommes avaient beaucoup plus confiance en eux dans leurs vêtements. Alors j'ai cherché, avec le costume-pantalon, l'imperméable, le smoking, le caban, à donner aux femmes cette confiance".

"Yves Saint Laurent crée pour les femmes qui mènent une double vie", expliquait il y a quelques années à la presse Catherine Deneuve, l'une de ses plus fidèles amies.

"Pendant la journée, ses vêtements nous aident à affronter un monde peuplé d'inconnus. Ils nous permettent d'aller partout sans attirer l'attention et leur aspect un peu masculin nous donne la force de faire face à des rencontres qui peuvent être conflictuelles. Le soir, quand nous retrouvons nos proches, ils nous aident à paraître séduisantes", ajoutait-elle.

Pour Florence Muller, "il va montrer qu'une femme peut, ce qui est nouveau, porter tous les jours un costume qui est la translation directe du complet trois-pièces" masculin mais il lui donne "un switch, une touche féminine".

Dès 1966, Yves Saint Laurent fait du pantalon une pièce maîtresse de la garde-robe féminine. Le premier smoking pour femme voit le jour cette année-là, suivi par la célèbre saharienne en 1968. Ses stricts pantalons s'accompagnent de blouses ultra-féminines, soyeuses, parfois transparentes.

Pour le couturier, "une femme en costume-pantalon est loin d'être masculine. A travers la coupe implacable et rigoureuse, sa féminité, sa séduction, son ambiguïté ressortent davantage. (...) Cette femme androgyne, égale à l'homme par son vêtement, bouleverse l'image traditionnelle d'une féminité classique et dépassée".

"Yves a magistralement écrit une des plus belles pages du génie français. Cela devrait le rendre heureux. Mais le croire serait ignorer que la création célèbre toujours les noces du talent et de la souffrance", écrivait Pierre Bergé en 1996.

Lors de ses adieux en 2002, Yves Saint Laurent avait avoué avoir connu dans sa vie "la peur et la terrible solitude. Les faux amis que sont les tranquillisants et les stupéfiants. La prison de la dépression et celle des maisons de santé".

Devenue une Fondation en 2004, la maison organise depuis des expositions et abrite 5 000 des créations du maître ainsi que plus de 15 000 dessins, croquis et objets divers.

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